
« Ô 'Amr ! Prête serment, car l'islam efface ce qui le
précède. »
[ Parole du Prophète Muhammad
, rapportée par Ahmad et
Tabarânî. Voir La vie des compagnons de Yusuf AI-Kandahlawi. ]
`Amr Ibn
AI-'Âs Al-Qurayshî As-Sahma , le père du pieux et illustre 'Abdallah
, le
compagnon du Prophète
que nous avons cité plus haut, était un des ennemis les
plus acharnés de l'islam.
Souvenons-nous de son déplacement en Abyssinie et de
son insistance auprès du Négus pour rapatrier les musulmans réfugiés sur ordre
du Messager de Dieu pour avoir une idée du degré de son
opposition à l'islam.
Et pourtant, vint le jour où sa farouche hostilité au
message divin fondit comme neige au soleil.
Sa conversion à l'islam eut lieu
après le traité d'AI-Hudaybiya et coïncida avec celle de Khâlid Ibn AI-Walîd
,
autre ennemi acharné de l'islam qui devint ensuite l'un de ses plus ardents
défenseurs.
Les deux illustres hommes entrèrent à Médine pour annoncer leur
conversion et faire acte d'allégeance au Messager de Dieu .
En les voyant arriver, celui-ci dit à ses compagnons :
« La Mecque vous
envoie ses enfants les plus chers. »
Sur ce, Khâlid
s'approcha et prêta
serment d'allégeance. Il fut suivi par 'Amr Ibn AI-'Âs qui dit en s'adressant au
Messager de Dieu :
« Ô Messager de Dieu! Je te prête
serment avec l'espoir que mes péchés passés soient absous. »
L'Envoyé de Dieu
lui répondit : « Ô 'Amr! Prête serment, car l'islam efface ce qui le précède.»
Et c'est ainsi que 'Amr
, le fameux général arabe se soumit à Dieu
et
mettra son intelligence au service de l'islam.
Dès sa conversion, le Messager de
Dieu , qui connaissait ses mérites sur les plans
politique et militaire, lui confia des missions très importantes aux frontières
de l'Arabie. Il s'en acquitta fort bien.
À son retour, le Messager de Dieu
avait déjà quitté ce monde.
Sous le Califat d'Abû
Bakr , il fut chargé du commandement de l'armée de Palestine ; l'adhésion à
l'islam de toute la rive occidentale du Jourdain fut son œuvre. On le trouve
aussi à la bataille de Ajnadayn où l'armée musulmane remporta une victoire
décisive sur les Byzantins commandés par le propre frère de l'empereur
Héraclius. Il en fut de même à la fameuse bataille d'Al-Yarmûk où notre
compagnon prit le commandement d'une des trois armées de l'islam dans leur lutte
contre les Byzantins.
Mais là où notre valeureux 'Amr
s'illustra le plus
jusqu'à marquer de son empreinte le cours de l'histoire de l'islam, ce fut lors
de la conquête de l'Égypte à laquelle son nom fut indissociablement lié.
C'est sous le Califat de 'Umar Ibn Al-Khattâb
que cet événement
grandiose eut lieu.
Ce dernier, satisfait du travail accompli par 'Amr Ibn
Al-`Âs
en Irak et en Syrie, lui confia le commandement de l'Égypte byzantine
afin d'y propager la justice et l'équité du message de l'islam.
C'est à la tête
de quatre mille hommes seulement que 'Amr entra en Égypte, en passant par le
littoral. Durant son périple à travers le pays, 'Amr ne trouva de résistance que
de la part des forces byzantines.
Les habitants du pays, les coptes,
accueillirent, pour leur part, les musulmans en libérateurs. Il est vrai que les
persécutions dont faisaient l'objet les coptes catholiques par les coptes
byzantins avaient créé entre les deux communautés des rapports de haine et de
rivalités.
Il est vrai aussi que le comportement tolérant et généreux de 'Amr
et
de ses soldats envers les habitants de l'Égypte y fut pour beaucoup dans
l'accueil favorable que ceux-ci réservèrent à l'islam.
C'est ainsi que
'Amr s'adressa aux évêques et aux dignitaires religieux coptes en ces termes :
« Dieu
envoya Muhammad
avec la Vérité et lui
ordonna de s'y conformer... Le Messager de Dieu
s'est acquitté de sa mission
avec dévouement et a rejoint son Seigneur
après nous avoir laissés sur la voie
de la droiture et de la rectitude... Il nous a ordonné, entre autres, d'avertir
les gens et de les appeler à l'islam. C'est ce que nous sommes en train de faire
en venant chez vous... Celui qui répond favorablement à notre appel sera
considéré comme des nôtres, il aura les mêmes droits et les mêmes obligations
que nous. Celui qui ne veut pas répondre à notre appel, sans nous déclarer sa
belligérance, devra payer l'impôt de la jizya en contrepartie de notre
protection pour sa vie, ses biens et sa religion... Quant à celui qui veut nous
déclarer la guerre, nous le combattrons jusqu'à ce que Dieu
décide entre nous.
»
Ces conditions généreuses proposées par 'Amr Ibn Al-'Âs trouvèrent un
écho favorable auprès des évêques et des dignitaires coptes qui donnèrent leur
assentiment à un tel accord. On rapporte, à cet effet, que même AI-Muqawqis, le
roi d'Égypte, accepta les conditions des musulmans en vue de parvenir à la paix
d'autant plus que les musulmans ont montré qu'ils étaient venus en libérateurs,
non en occupants.
Mais lorsqu'il en référa à l'empereur de Constantinople
dont il était l'un des gouverneurs, celui-ci refusa avec arrogance de céder aux
exigences des musulmans et ordonna de continuer la lutte et de refuser la
négociation.
Certains historiens rapportent qu'Al
Muqawqis passa outre les
ordres de l'empereur et passa des accords de paix avec les musulmans. En tout
état de cause, la vraie résistance à l'entrée des musulmans en Égypte ne vint
que des forces byzantines qui virent leur domination sur le pays menacée et
compromise.
Durant le siège d'Alexandrie, ceux-ci regroupèrent une armée
de cinquante mille soldats sous le commandement du Général Théodoros pour
défendre leur capitale. Et ce n'est qu'après un long siège de quatre mois que le
génial 'Amr et ses soldats parvinrent à prendre la capitale des byzantins en
Égypte.
Cette conquête permit à 'Amr
de donner aux habitants d'Égypte le plus
bel exemple de tolérance et d'humanité qui soit. C'est ainsi qu'il s'attacha à
ce que les coptes qui ne devenaient pas de leur propre gré musulmans, n'eussent
point à se plaindre de l'islam et de ses adeptes.
Pour ce faire, il rédigea
de sa main un traité garantissant le respect de leurs lieux de culte, menaçant
de graves sanctions quiconque contreviendrait à ce traité.
L'impôt qu'il
leur imposa était très modeste, et il en dispensa les femmes, les vieillards et
les enfants. Il chargea de nouveau la Patrice Benjamin du trône
épiscopal avec mission de s'occuper des affaires de ses coreligionnaires sans
que les musulmans aient le droit de se mêler de leurs affaires.
En outre, 'Amr
laissa aux coptes la gestion et la jouissance de leurs biens et de leurs terres,
ce qui démontra à ces derniers le caractère pacifique et humanitaire de la
conquête musulmane.
Et c'est ainsi que l'islam se propagea inexorablement parmi
les Égyptiens jusqu'à devenir la religion du plus grand nombre d'entre eux.
Une fois la paix revenue, notre génial 'Amr
donnera la pleine mesure de
ses dons de bâtisseur et d'organisateur hors pair.
En effet, nommé gouverneur
d'Égypte par le Calife 'Umar , 'Amr
fit montre d'une admirable capacité de
gestion et d'innovation en matière de construction, et ce, dans divers domaines.
À cet effet, il fit construire des barrages, des canaux d'irrigation sur
le Nil, des ponts, des hôtels pour les voyageurs, une grande mosquée autour de
laquelle s'édifiera une véritable ville, appelée Fustat, qui deviendra plus tard
Al-Qâhira
(Le Caire, littéralement la victorieuse), des magasins pour l'armée et
tant d'autres édifices qui témoignent de son génie en tant que bâtisseur et en
tant que gouverneur.
Notre illustre compagnon demeura en Égypte comme
gouverneur jusqu'à la mort de 'Umar.
Certes, le Calife connaissait les ambitions
politiques de 'Amr
et il aurait même dit à son sujet :
« Il ne sied à Abû
'Abdallah de marcher sur la terre que comme émir. »
Mais il était satisfait de
son travail et de sa gestion en tant que gouverneur, de même que de l'œuvre
qu'il avait accomplie en Égypte. Ce n'est qu'après la mort de 'Umar
et la venue
de 'Uthmân que 'Amr
fut destitué et remplacé par 'Abdallah Ibn
Sa`d .
Notre illustre compagnon se retira de la vie politique et élit
domicile à 'Ajlân où il continua à suivre les événements sans y intervenir. Il
se garda d'intervenir dans la discorde qui entraîna le meurtre de 'Uthmân
et on
ne lui connaît aucun rôle dans cette crise.
Ce n'est qu'après la fameuse
bataille du chameau qu'il sortit de sa réserve et intervint dans la vie
politique en prenant cause pour Mu'âwiya
dans sa rivalité avec 'Ali. Il n'est
pas dans notre intention de revenir sur les tenants et les aboutissants de cette
crise qui provoqua une guerre fratricide à l'origine du plus grave schisme dans
l'histoire de l'islam.
Nous en avons déjà parlé plus haut et il n'est
pas nécessaire de revenir là-dessus. 'Amr
avait pris fait et cause pour Mu`âwiya
et, grâce à sa ruse, avait permis à celui-ci de transformer sa défaite imminente
en victoire.
Cette attitude lui a valu les reproches de nombreux compagnons des
plus illustres.
On rapporte, qu'un jour de pèlerinage, 'Amr
rencontra l'illustre
Ibn 'Abbâs , le cousin du Messager de Dieu qui était
réputé pour sa grande piété et sa droiture : « Ô Ibn 'Abbâs ! Pourquoi me
tournes-tu le dos à chaque fois que tu me vois ? »
Ibn 'Abbâs
lui reprocha
alors ses volte-face et son alignement total avec Mu `âwiya pour les biens de ce
bas monde, au détriment de la cause juste de 'Ali.
'Amr
se défendit contre
ces accusations et s'efforça de justifier ses prises de positions contestées.
Après son retour à la vie politique et son soutien à Mu'âwiya, 'Amr
retrouva son
poste de gouverneur d'Égypte.
Il y restera comme tel jusqu'à sa mort qui survint
en l'an quarante-trois de l'Hégire.
Sur son lit de mort, il se tourna
vers ceux qui l'entouraient et leur dit :
« Au début de ma vie, j'étais un
incroyant des plus acharnés dans sa haine du Messager de Dieu. Si, à cette époque-là, j'étais mort, j'aurais été du nombre des damnés.
Puis, j'ai prêté serment d' allégeance au Messager de Dieu alayhi assalat wa
salam qui est devenu pour moi la personne la plus aimée et la plus vénérée
d'entre tous les humains à tel point que je ne pouvais supporter longtemps son
regard par respect et pudeur. Si, à cette époque-là, j'étais mort, j'aurais été
du nombre des élus. Ensuite, les tentations du pouvoir m'ont ébloui et j'ai fait
des choses dont j'ignore si elles seront comptées à mon avantage ou à mon
détriment. »
Cela étant dit, il leva les yeux au ciel et s'adressa à son
Seigneur
en ces termes :
« Mon Dieu, je ne prétends pas être innocent pour
mériter des circonstances atténuantes, ni être puissant pour triompher. Mais si
Ta miséricorde ne vient pas à mon secours, je serai parmi les damnés.
»
Et il continua à invoquer Dieu
et à Le supplier de lui faire
miséricorde jusqu'à ce que son âme s'envolât vers Son Seigneur
avec comme
dernières paroles sur les lèvres : 
« Il n'y a d'autre divinité que Dieu.
»
Que Dieu
soit satisfait de lui et l'introduise en Sa miséricorde.

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