
« Excellent adorateur que ce Suhayb !
Même s'il ne
craignait pas Dieu, il ne Lui désobéirait pas. »
[
Parole du Prophète
Muhammad. Dans son ouvrage Al-maqasid al-hasana, Al-Hâfiz As-Sakhâwi rapporte
qu'il a trouvé ce hadîth dans le Mushkal al-Hadîth d'Ibn Qutayba.
]
On
l'appelle "Ar-Rûmî " (le romain), mais il n'avait rien des caractéristiques des
gens de Byzance. C'était un pur arabe issu de la noblesse. Son père
était le gouverneur de la province d'Ubulla dans les environs de Bassorah sous
le règne de Chosroês dont il était l'un des vassaux. Suhayb
était l'enfant
préféré de son père.
Celui-ci lui avait donné une éducation de façon à ce
qu'il puisse accéder aux affaires du pouvoir et lui succéder. Mais le destin
en décida autrement.
Un jour, en effet, les Byzantins, en guerre contre les
Perses, avec lesquels le gouverneur d'Ubulla était allié, attaquèrent le pays en
ravageant tout sur leur passage. Après leur départ, ils emmenèrent avec eux
beaucoup de prisonniers, et parmi eux, le fils du gouverneur de la province :
Suhayb Ibn Sinan . La vie du jeune garçon bascula.
Traîné de marché
d'esclaves en marché d'esclaves, il se retrouva à la Mecque où un riche mecquois
l'acheta. De son séjour dans les provinces byzantines, il avait assimilé la
langue et les coutumes romaines, ce qui lui avait valu le surnom d'Ar-Rûmî, le
romain.
Sa nouvelle vie à la Mecque ouvrit pour lui de nouvelles
perspectives tant sur le plan profane que sur le plan spirituel.
Son nouveau
maître, ébloui par son dévouement et son intelligence, le prit en sympathie et
l'affranchit en lui permettant de s'adonner au commerce avec lui. Il réussit
à fructifier son commerce et à devenir très riche.
Or, sa réussite
économique ne lui apporta nullement le bonheur et la sérénité, loin s'en faut,
la vie des mondanités n'était pas faite pour lui.
Son esprit était à la
recherche du véritable sens de la vie et ne pouvait se satisfaire des croyances
de ses concitoyens.
Lors de son séjour dans le pays des romains, il
avait été intrigué par les paroles d'un moine chrétien qui parlait de l'envoi
imminent d'un Envoyé de Dieu
dans le pays des arabes, pour donner un nouvel
essor à la religion primordiale prêchée par tous les messagers de Dieu depuis
Adam
et délivrer l'humanité des chaînes de l'idolâtrie et du polythéisme.
Ces
paroles ont profondément marqué Suhayb qui venait de s'installer à la Mecque.
Il ne vivait que dans l'attente de l'apparition de cet Envoyé.
Et le
jour vint où le Messager qu'il attendait se manifesta.
La prédication du
Prophète Muhammad
attira Suhayb qui n'hésita pas un instant à répondre
présent à l'appel de la Vérité.
Ayant appris que le Messager de Dieu
se
réunissait avec ses disciples dans la maison Al-Arqam Ibn Abî Al-Arqam, il s'y
rendit un jour, avec la ferme décision d'adhérer à la nouvelle religion que
prêchait Muhammad.
On rapporte qu'il trouva sur le seuil de la porte
d'Al-Arqam, Ammâr Ibn Yâsir , sur le point lui aussi de se convertir.
Après
avoir écouté les paroles de la Révélation de la bouche du Prophète
, les deux
hommes furent éblouis par cette première rencontre avec le Messager de Dieu
et
ne sortirent qu'à la tombée de la nuit.
A partir de ce jour-là, Suhayb
devint un autre homme. Sa vie s'en trouva transformée et une nouvelle ère,
faite de foi, de piété et d'amour s'ouvrit devant lui.
Mais cette ère ne fut
pas de tout repos pour notre étranger qui n'avait aucun appui tribal à la Mecque
et dans ses environs, susceptible de lui éviter les exactions des païens
qurayshites.
En dépit de ses richesses et de son statut d'homme libre, il
dut subir dans sa chair les tortures infligées par Quraysh aux faibles parmi les
musulmans, notamment Bilâl, Ammâr, Al-Khabbâb, Sumayya, etc.
.
Mais que
pouvaient les tortures contre le corps d'un homme dont l'âme et l'esprit étaient
absorbés par l'amour et l'exaltation de la divinité.
Sa foi, loin de
s'affaiblir, ne fit qu'augmenter encore, sachant combien il était dans le vrai
et ses tortionnaires dans l'erreur. Et vint le jour où le Prophète
se trouva
dans l'obligation de quitter la Mecque pour s'installer à Médine.
Suhayb
était pressenti pour accompagner le Messager de Dieu
et Abû Bakr
dans leur
voyage mais des circonstances particulières l'en empêchèrent.
Les
qurayshites qui étaient au courant de l'imminence de l'émigration du
Prophète
ne purent rien faire pour empêcher ce dernier d'accomplir sa
destinée.
Cependant, ils réussirent à arrêter Suhayb
et à l'emprisonner,
ce qui retarda quelque peu son émigration.
Mais notre pieux compagnon était
décidé à partir rejoindre le Messager de Dieu
et ses disciples et aucun
obstacle, si puissant soit-il, ne pouvait l'arrêter.
C'est ainsi qu'après
plusieurs tentatives, il réussit à fausser compagnie à ses geôliers et à prendre
le chemin du désert.
Poursuivi, il monta sur un monticule et fit face à ses
poursuivants en braquant vers eux son arc et il leur dit :
« Ô gens de Quraysh !
Vous savez bien que je suis le plus habile d'entre vous dans le tir à l'arc. Si
vous vous approchez de moi, j'atteindrai le maximum d'entre vous avant que vous
ne puissiez m'abattre. »
Les infidèles qui connaissaient la réputation
de Suhayb
comme tireur habile, n'étaient pas disposés à le combattre ;
cependant, ils refusaient que celui-ci puisse partir sans qu'ils ne le
dépouillent de ses biens qu'il avait amassés dans leur ville.
Ils lui
dirent : « Il n'est pas question que nous te laissions partir vivant en
emportant tous les biens ! Tu es venu à la Mecque pauvre et c'est dans notre
ville que tu t'es enrichi et que tu es devenu ce que tu es. »
Il leur
proposa de leur laisser ses biens en échange de sa liberté. Il leur
indiqua l'endroit où il avait caché son argent et ils le laissèrent partir.
Aucun regret n'effleura l'esprit de notre compagnon qui venait pourtant de se
débarrasser de tous ses biens accumulés durant plusieurs années d'efforts.
Et c'est le cœur léger et la conscience apaisée qu'il prit le chemin de
Médine.
À son arrivée, le Messager de Dieu le reçut à bras ouverts en lui
disant :
« Ô Abû Yahya ! La vente fut prospère ! »
Par deux fois, il
répéta les mêmes paroles avant que le verset suivant ne lui fut révélé :
« Il y a
parmi les gens celui qui se sacrifie pour la recherche de l'agrément de Dieu. Et
Dieu est compatissant envers Ses serviteurs. » [Sourate 2
- Verset 207 ]
C'est ainsi
que Suhayb
fut loué par le Saint Coran qui transcrivit pour l'éternité son acte.
Cet homme a tout laissé, tout sacrifié, pour l’amour de Dieu
et de Son
Prophète.
Il disait souvent :
« Jamais, le Messager de Dieu
n'a fait une
expédition sans que je n'en prenne part. Jamais, on ne lui a prêté serment de
fidélité sans que je ne sois témoin. Jamais, il n'a envoyé une armée sans que je
n'en fasse partie. Jamais, les musulmans n'éprouvèrent une frayeur d'un danger
qui les menaçait sans que je les rassure. Jamais je n'ai laissé le Messager de
Dieu
se mettre entre moi et l'ennemi jusqu'à sa mort. »
Paroles qui en
disent long sur la foi et la fidélité de cet homme exceptionnel qui avait voué
sa vie et ses biens au service de Dieu .
Le Messager de Dieu
l'aimait
beaucoup et le donnait en exemple à ses compagnons.
Il disait à son sujet :
« Excellent adorateur que ce Suhayb. Même s'il ne craignait pas Dieu, il ne lui
désobéirait pas. »
La même attitude fut adoptée par les successeurs du
Prophète
vis-à-vis de notre compagnon .
Ils lui témoignèrent tous du respect
et de la considération et, on rapporte même qu'avant sa mort, le Calife 'Umar
recommanda Suhayb
pour la direction de la prière en attendant l'élection d'un
autre calife.
On rapporte aussi qu'un jour Abû Bakr
, accompagné d'Abu Sufyân
qui venait de se convertir à l'islam, passa près de Suhayb, de Bilâl et de
Salmân . Ceux-ci laissèrent entendre qu'Abû Sufyân
méritait la mort pour
ce qu'il avait fait aux musulmans.
Abû Bakr
s'irrita et leur dit : « Comment
pouvez-vous parler ainsi au maître de Quraysh ? ».
Il rapporta ensuite cet
incident au Messager , celui-ci lui dit : « Tu as dû les vexer, ô Abû Bakr
? Auquel cas tu vexeras Ton Seigneur ! » Abû Bakr
alla trouver les trois
compagnons et s'excusa auprès d'eux.
Telle fut la vie admirable de cet
homme merveilleux qui abandonna tout pour l'amour de Dieu
et de Son Messager.
Que Dieu soit satisfait de lui !

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