
« Dans ma communauté, il y a des gens inspirés.
Par Dieu, 'Umar est l'un
d'entre eux ! » [Parole
du Prophète Muhammad paix sur lui, rapportée
par Al-Bukhârî d'après Abû
Hurayra et aussi Muslim d'après 'Aïsha.]
D'un
homme rude et dur comme 'Umar , l'islam en a
fait un des chefs d'état les plus justes
et les plus magnanimes dans l'histoire de l’humanité.
Cet
homme qui, étant encore dans l'ignorance
du polythéisme, s'inquiétait du sort
d’une simple mule lorsqu'il devint un chef ayant
sous son autorité plus grand territoire
que n'aurait jamais pu posséder un roi
ou un empereur.
L'auteur
de ce miracle est l'islam. Seul le Saint Coran
a pu attendrir un tel homme et le faire fléchir.
Laissons-le
nous raconter lui-même sa conversion.
En
effet, dans l'ouvrage intitulé Usdu al-ghâba
(les lions de la forêt) d'Ibn Al-Athîr,
il est écrit : Umar Ibn Al-Khattâb
– que Dieu l'agrée – a dit :
"Aimeriez-vous
savoir comment Dieu m'a guidé vers l'islam
?’’ On lui répondit : « Oui ! » Il
dit : "J'étais l'un des pires ennemis
du Prophète paix sur lui.
Mais
voilà qu'un jour, alors que je marchais,
sous une chaleur torride, dans une ruelle de
la Mecque, un homme est venu à ma rencontre
et m'a dit, sur un air de reproche: Tu prétends
vouloir éliminer Muhammad alors que ce
qu'il prêche a contaminé même
ta famille.
Je
lui demandai d'être plus explicite, et
il me répondit : «Ta sœur a renié
la foi de ses ancêtres. »
Sous
le coup de la colère, je me précipitai
chez ma sœur pour voir de quoi il retournait.
Il faut préciser que le Prophète
avait l'habitude de répartir les premiers
convertis en petits groupes et de les placer
sous la responsabilité et à la
charge du plus aisé d'entre eux. C'est
ainsi qu'il avait adjoint deux hommes à
mon beau-frère. Arrivé à
la demeure de ma sœur, je frappai à la
porte, décidé à en avoir
le cœur net. On a demandé qui était
là et j'ai décliné mon
identité. Ce fut comme une panique à
l'annonce de mon nom.
Les
gens qui étaient réunis pour lire
le Coran et le méditer, en entendant
ma voix, avaient quitté précipitamment
la pièce où ils étaient,
oubliant derrière eux un feuillet du
Coran.En
m'ouvrant la porte, ma soeur était troublée.
Je l'interpellai rudement : 'Ô ennemie
de toi-même, on m'a dit que tu avais renié
la religion de tes ancêtres !' Devant
son silence, je l'ai frappée au visage,
provoquant une saignée de sang. Alors,
en pleurant, elle m'a répliqué
: 'Oui ! Je me suis soumise à Dieu :
Fais ce que tu veux !' Puis, je suis entré
à l'intérieur de la maison et
je me suis assis sur un divan. C'est alors que
j'ai aperçu le feuillet dans un coin.
J'ai dit à ma sœur : 'Qu'est-ce que c'est
? Fais-moi voir.' Elle me répondit :
`Non ! Je ne peux te le donner. Tu n'es pas
digne de le toucher ! Tu ne te purifies pas
! Car seuls les gens en état de purification
peuvent le toucher.' Je ne cessai d'insister,
jusqu'à ce qu'elle me l'eut donné.
J'ai commencé à lire :
'Au nom
de Dieu, le Tout-Miséricordieux, le Très-miséricordieux
!'

J'ai aussitôt été saisi
de panique et j'ai lâché le feuillet.
Reprenant mon calme, j'ai ramassé le
feuillet et j'ai continué à lire
:
'Tout ce qui est dans les cieux et la terre
glorifie Dieu. Et c'est Lui le Puissant, le
Sage.' [
Sourate 57 - Verset 1 ]
Chaque
fois que je lisais un passage mentionnant le
Nom de Dieu , je ressentais un tressaillement
en moi, jusqu'à ce que j'arrive à
la parole du Très-Haut
:
Croyez en Dieu
et en Son Messager, et dépensez de ce
dont Il vous a donné la lieutenance.
Ceux d'entre vous qui croient et dépensent
(pour la cause de Dieu) auront une grande récompense.
Et qu'avez-vous à ne pas croire en Dieu,
alors que le Messager vous appelle à
croire en Votre Seigneur ? Et Dieu a déjà
pris acte de votre engagement si vous êtes
sincères dans votre foi.' [
Sourate 57 - Versets 7/8
]
|
Là,
je me suis arrêté et, touché
par tant d'éloquence et de Majesté,
je proclamai :

Il n'y a de dieu que Dieu et
Muhammad est le Messager de Dieu !
Les
gens cachés dans une autre pièce
sortirent alors en criant 'Dieu est grand !'
Ils me dirent : 'Réjouis-toi, ô
Ibn Al-Khattâb ! Nous avons entendu le
Messager de Dieu invoquer Dieu ce lundi en disant
: Seigneur, honore l'islam par la conversion
de l'un de ces hommes : 'Amr Ibn Hishâm
ou 'Umar Ibn Al-Khattâb ! Nous espérions
qu'il en soit ainsi !' Je leur ai demandé
alors de me montrer où je pourrais trouver
le Prophète. On m'indiqua une demeure
au bas de la colline de Safâ.
Je
m'y rendis et, en arrivant, j'ai frappé
à la porte en m'annonçant. Les
musulmans, connaissant ma dureté et ma
haine envers le Prophète , refusèrent
d'ouvrir la porte. Mais l'Envoyé de Dieu
ordonna qu'on m'ouvrit. Après m'avoir
ouvert,
deux d'entre eux essayèrent de s'emparer
de moi, mais le Prophète leur ordonna
de me laisser.
Alors, il s'approcha de moi,
prit par les vêtements et me dit : 'Soumets-toi
à Dieu, Ibn-Al-Khattâb, il ajouta,
ô Seigneur, guides-le !' C'est alors qu'entre
ses mains, j'annonçai ma conversion en
prononçant l'attestation de foi (shahâda).
L'assistance accompagna mon annonce par un Allâhu
akbar (Dieu est grand) que tous les habitants
de la Mecque entendirent." »
Umar
Ibn Al-Khattâb est né à
la Mecque, treize ans après la naissance
du Prophète . Issu de la tribu
des Banu 'Adi, son père Al-Khattâb
était un des notables de Quraysh, tandis
que sa mère Hintima appartenait au clan
des Banû Makhzûm, par son père
Hâshim Ibn Al-Mughîra.
Depuis des
temps immémoriaux, sa famille avait charge
d'arbitrage et de médiation entre les
tribus, de même que la mission de traiter
et de négocier avec les tribus ennemies.
Il appartenait donc à la noblesse de
la Mecque et à sa classe dirigeante.
Dans son enfance, il s'occupa de paître
le bétail de son père en compagnie
d'autres enfants de la Mecque. Plus tard, il
s'adonna au commerce, allant quelque fois même
en Syrie avec des caravanes.
Il
n'était pas, ce qu'on peut appeler, un
riche commerçant, mais il arrivait à
vivre aisément et dignement, ce qui lui
assurait une place respectable au sein de la
société mecquoise.D'un
caractère dur et quelque peu brutal,
il fut élevé dans la fierté,
vaillance et la justesse dans la décision.
Sa
forte personnalité inspirait la crainte
et le respect. Sa fermeté et son courage
étaient légendaires.
On
verra plus loin, comment, lorsque devenu musulman,
il affrontait ouvertement les qurayshites sans
craindre leurs représailles, alors que
les musulmans se cachaient pour entreprendre
soi que ce soit. Et pourtant, cet homme dur,
dont les compagnons avaient appréhendé
la succession, craignant sa rudesse, avait un
cœur magnanime et une âme sensible.
Abû
Bakr
ne s'était pas trompé en
disant à ceux qui contestaient sa décision
: « J'ai nommé à la de
la communauté de Muhammad, celui qui
sera le plus magnanime à son égard.
»
Qu'on
en juge. Dhahâbi, dans son ouvrage Al-Kabâ'ir
(Les grands péchés), rapporte
ce qui suit :
«
Un jour, un aveugle se présenta chez
`Umar Ibn Al-Khattâb
avec l'intention
de se plaindre du mauvais caractère de
son épouse. Tandis qu'il allait frapper
à sa porte, il entendit des éclats
de voix. C'était l'épouse du Calife
qui criait après son époux. 'Umar
ne répondait pas. Entendant cela, l'homme
rebroussa chemin en disant : "Si telle
est la vie de 'Umar qui est réputé
pour sa rudesse et sa sévérité,
et qui plus est, le commandeur des croyants,
que dire alors de la mienne !" À
ce moment-là, 'Umar
sortit de chez lui
et l'aperçut qui s'éloignait.
Il l'appela et lui demanda l'objet de sa visite.
L'homme lui répondit : "J'étais
venu me plaindre de mon épouse, mais
en entendant ce que j'ai entendu, je me suis
retiré en disant : Si le commandeur des
croyants vit ainsi avec son épouse, que
dire alors de mon cas." 'Umar
lui dit :
"Mon frère, si je la supporte comme
tu vois, c'est parce qu'elle a des droits sur
moi : C'est elle, en effet, qui prépare
ma nourriture, qui cuit mon pain, qui lave mes
vêtements et qui allaite mes enfants,
alors qu'elle n'est pas obligée de le
faire ! À ses côtés, mon
cœur s'apaise et s'abstient de commettre l'adultère.
Pour toutes ces raisons-là, je dois la
supporter !" L'homme dit "C'est vrai
! Il en est de même pour ma femme !- 'Umar
lui dit "Alors, supportes-là mon
frère ! Car la vie n'est qu'un court
moment !" »
Ainsi,
cet homme dur et sévère, cachait
un cœur plein de compassion et de douceur qui
s'attendrissait jusque sur le sort de ses sujets
non-musulmans.
On
rapporte qu'un jour, alors qu'il se promenait
dans les rues de Médine, pour s'enquérir
de la situation des sujets de l'état,
il vit un vieil homme aveugle en train de mendier.
Il s'approcha alors de lui, et lui demanda :
« De quelle religion es-tu ? » Le
vieil homme répondit : « Je suis
juif ! » 'Umar
lui dit : « Qu'est-ce
qui t'a poussé à mendier ? »Il
lui répondit : « C'est pour pouvoir
payer l'impôt (jizya), car je suis vieux
et sans ressources ! »
Ému,
le Calife le conduisit chez lui et demanda à
son épouse de lui donner à manger.
Ensuite,
il l'envoya au bayt al-mâl (le trésor
public) avec des instructions quant à
sa prise en charge avec tous ceux qui sont dans
le même cas que lui. Le vieil homme, une
fois parti, 'Umar s'exclama devant ceux qui
étaient près de lui :
«
Par Dieu ! Il serait injuste qu'après
avoir usé sa jeunesse - en lui faisant
payer la jizya – nous le négligions dans
sa vieillesse. » Il ordonna alors de ne
plus faire payer les gens du Livre se
trouvant dans sa situation.
Au
sein de son foyer, 'Umar
était d'une
tendresse extraordinaire . C’était
un très bon père de famille plein
de compassion pour ses enfants.
Il
avait l'habitude de dire : « J'aime que
l'homme soit avec les siens tel un enfant, mais
dès que l'on a besoin de lui, qu'il soit
un homme ! »
Pourtant,
il était sévère avec ses
enfants lorsqu'il s'agissait de leur faire prendre
conscience de leurs responsabilités.
Il leur disait :
«
J'ai ordonné aux musulmans d'éviter
telle ou telle chose, ils ont les yeux braqués
sur vous. Si vous ne respectez pas mes ordres,
et si vous tombez dans la désobéissance,
ils en feront de même. Mais si vous obéissez
aux lois instaurées, ils en feront de
même aussi. Aussi, je jure par Dieu
que
si l'un de vous transgresse la loi, je lui doublerai
son châtiment, à cause de son lien
de parenté avec moi. Maintenant, que
celui qui veut enfreindre la loi le fasse, et
que celui qui veut la respecter le fasse ! »
'Umar
avait épousé plusieurs femmes
qui lui ont donné de nombreux enfants.
Les plus célèbres d'entre eux
furent son fils 'Abdallah ,
l'illustre compagnon
et l'un des premiers commentateurs du Coran ainsi
que Hafsa
qui deviendra l'épouse du
Prophète .
Nous
avons vu comment il s'était converti
à l'islam.
Avant sa conversion, 'Umar
n'était pas aveuglé par sa haine
contre le Prophète , et son coeur n'était
pas insensible au Coran, d'autant plus qu'il
était lettré et savait apprécier
le sens et la beauté des mots. Seulement,
son attachement à la solidarité
tribale et aux croyances des ancêtres
qui assuraient plus ou moins une certaine cohésion
des tribus, le poussaient à voir dans
le Prophète un diviseur.
On
rapporte, que lorsque les premiers musulmans
émigrèrent en Abyssinie, 'Umar
devint fou de rage.
Il s'exclama : « Tout
cela est arrivé par la faute de Muhammad
! Il sème la division entre le fils et
le père et entre les frères eux-mêmes.
Il n'y a pas de doute ! C'est Muhammad la cause
de ce malheur, et il faut mettre fin à
cette agitation ! »
Sa
conversion fut une bénédiction
divine pour les musulmans. Ainsi, Ibn Abbâs
a rapporté que lorsque 'Umar
s'est converti,
les païens de Quraysh ont dit : «
Aujourd'hui, ces gens ont pris une revanche
sur nous ! » Alors Dieu
fit révéler
le verset suivant :
«
Ô prophète ! Il te suffit d'avoir
(avec toi) Dieu et ceux des croyants qui t'ont
suivi. » [
Sourate 8 - Verset 64 ]
Après
que 'Umar
eut embrassé l'islam, il demanda
au Prophète
« Ô Envoyé
de Dieu ! Sommes-nous sur la juste voie ? »
Le
Prophète
répondit : « Assurément
! »
'Umar
lui dit : « Dans ce cas,
pourquoi devons-nous nous cacher. »
Il
ajouta ensuite : « Nous sommes sortis,
alors, Hamza et moi, chacun à la tête
d'un groupe, et nous nous sommes dirigés
vers l'enceinte de la Ka'ba. Les dignitaires
qurayshites étaient assis là.
J'ai regardé vers eux, et j'ai aperçu
sur leurs visages une tristesse, comme je n'en
ai jamais vu de semblable. Ce jour-là,
l'Envoyé de Dieu
m'a surnommé
al-fârûq ! »
Ibn
Mas'ûd
a dit, quant à lui :
«
La conversion de 'Umar fut comme une conquête
pour nous, son émigration une victoire,
et son règne une bénédiction
! Si vous aviez vu notre situation avant qu'il
ne se convertisse ! On ne pouvait même
pas prier dans l'enceinte de la Ka'ba ! Une
fois celui-ci devenu musulman, nous avons pu
enfin faire front et repousser les exactions
que nous subissions, et nous avons pu accomplir
la prière dans l'enceinte de la Ka'ba
! »
'Umar
avait alors vingt-six ans.
C'était
un homme plein de force et de vigueur. Ses contemporains
l'ont décrit comme étant : «
Un homme de grande taille, d'une forte carrure
et chauve. Sa peau était blanche. Le
blanc de ses yeux était rouge. Il avait
une moustache dégarnie au milieu, mais
touffue et de couleur rousse aux extrémités.
»
Il
était d'un courage exemplaire. Nous verrons
plus loin des exemples à ce sujet. 'Umar
était le quarantième homme à
se convertir à l'islam, mais il en sera
l'un des plus célèbres et l'un
de ceux qui marqueront le plus l'histoire.
Son
dévouement pour l'islam ne se démentira
jamais. Il en fut l'un des piliers les plus
solides avant et après la disparition
du Prophète . Il avait parfaitement conscience
de sa vocation et du rôle que l'islam
avait dévolu aux arabes de Quraysh.
Il
avait l'habitude de dire : « Nous étions
avilis et l'islam nous a honorés. »
Ainsi, dès que Dieu
l'honora par l'islam,
il ne voulait plus se cacher pour Le remercier
et rendre le culte qui Lui revenait à
Lui seul !
C'est
ainsi, nous dit-on, qu'il n'hésita pas
annoncer publiquement sa conversion. Pour ce
faire, il se renseigna pour savoir qu'elle était
la personne la plus bavarde de la Mecque, afin
de répercuter le plus loin possible la
nouvelle de sa conversion. Il
la trouva en la personne de Jamîl Ibn
Mu'ammar AI-Jumâhî, passé
maître dans les commérages.Il
l'informa donc et le suivit pas à pas.
Comme
prévu, cette personne sortit dans les
rues de la Mecque et fit répandre la
nouvelle de la conversion de 'Umar dans tous
les cercles des qurayshites.C'est
alors que certains négateurs se jetèrent
sur 'Umar et se mirent à le frapper.
Mais la foi en Dieu
s'était incrustée
dans le cœur de 'Umar et désormais, celui-ci
n’avait
plus peur de rien.
Ce
n'est pas sans raison, que le Prophète
avait dit à son sujet : «
Je vous assure que je vois les démons,
qu'ils soient de l'espèce des djinns
ou de l'espèce humaine, prendre la fuite
devant 'Umar ! »
'Umar
montrera ce même courage tout au long
des événements qui caractérisent
l'islam. Il
ira même jusqu'à décliner
l'offre de protection d'un de ses oncles se
suffisant de celle de Dieu.
Lorsque
le moment d'émigrer à Yathrib
- la future Médine - vint pour les musulmans
victimes des persécutions des païens,
ils partirent par petits groupes et en cachette,
par peur des représailles. Leur
départ était tenu dans le plus
grand secret. Seul
'Umar
annonça publiquement le sien.
En
effet, Ibn 'Abbâs rapporte de l'émigration
de 'Umar la version suivante :
« Lorsque
'Umar décida de partir à Yathrib,
il attacha son épée autour de
la taille, mit son arc à l'épaule,
et des flèches dans sa main, puis se
dirigea vers la Ka'ba. Après avoir fait
le tawâf (la circumanbulation), il effectua
deux génuflexions dans l'oratoire d'Ibrâhîm.
Ensuite,
il passa près des groupes de dignitaires
qurayshites réunis dans l'enceinte de
la Ka'ba, et leur dit à tous : «
Que celui d'entre vous qui veut que sa mère
le perde, et ses enfants deviennent orphelins
ou que sa femme soit veuve, me suive au-delà
de cette vallée ! »
Personne
n'eut le courage et l'audace de le poursuivre.
Quelques temps après, il arriva à
Yathrib, précédant le Prophète
et Abû Bakr .
A
partir de ce jour, la vie de 'Umar sera intimement
liée à celle du Prophète
.
Il
sera tout à la fois son garde du corps,
son conseiller et son bras droit.
Il
n'y eut aucune bataille à laquelle il
ne participa aux côtés de l'Envoyé
de Dieu , que ce soit à Badr, à
Uhud, à Hunayn, etc. Il
était toujours présent et s'illustrait
vaillamment sur les champs de bataille.
À
Uhud, il fit partie du petit groupe qui resta
ferme autour de la personne du Prophète
contrairement à ceux qui avaient négligé
les instructions de l'Envoyé de Dieu
.
Lors
du serment d'allégeance que le Prophète
renouvela le jour d'Al-Hudaybiya, c'est à
'Umar
qu'il délégua le pouvoir
de le représenter en appelant les gens
à faire leur allégeance.
Le
Prophète
avait une confiance totale en
lui. De son côté, 'Umar
vouait
à l'Envoyé de Dieu
un amour infini.
On
rapporte qu'un jour le Prophète
dit aux
compagnons :
« Personne ne devient vraiment
croyant qu'une fois que je devienne plus cher
à ses yeux que sa femme, ses enfants
et sa propre personne ! »
'Umar,
d'une sincérité profonde dit :
« Par Dieu ! Ô Prophète !
Tu m'es plus cher que ma femme et mes enfants,
mais ma propre personne, pas encore. »
Quelque
temps après, il alla auprès du
Prophète et lui dit : « Ô
Envoyé de Dieu ! Tu m'es plus cher que
ma propre personne ! »
Celui-ci
lui dit : « Maintenant, `Umar, tu y es
parvenu ! »
La
sincérité de 'Umar et son amour
du Prophète
et de l'islam l'amenaient
même parfois à contredire l'Envoyé
de Dieu
sur des choses dont il ignorait, à
priori, la signification et la finalité.
C'est
ainsi que lors de la signature du traité
d'Al-Hudaybiya, qui semblait, à première
vue, favorable aux qurayshites, 'Umar , que la
sincérité guidait, montra son
opposition à ce traité qu'il assimilait
à une concession aux négateurs.
Il
exprima son désaccord à Abû
Bakr
en lui disant : « N'est-il pas le
Prophète de Dieu ? » Abû
Bakr
répondit : « Bien sûr
que si ! » – « Ne sommes-nous pas
sur la voie de la vérité ? »
– « Oui, bien sûr ! » – «
Ne sont-ils pas dans l'erreur ? » – «
Oui, bien sûr ! » répondit
Abû Bakr .
'Umar
dit alors : « Dans ce cas-là, pourquoi
accepter que notre religion soit rabaissée
? »
Abû
Bakr
lui rétorqua : « 'Umar demeures
aux côtés du Prophète, car
je certifie qu'il est l'Envoyé de Dieu
! »
'Umar
dit : « Moi aussi, je certifie qu'il est
l'Envoyé de Dieu ! »
Laissant
Abû Bakr , il alla voir le Prophète
et lui dit la même chose, celui-ci lui
répondit : « Je suis le serviteur
de Dieu
et Son Envoyé, et je ne faillirai
pas à ce que Dieu m'a ordonné
de faire ! Je sais qu'il ne m'abandonnera pas
! »
`Umar
raconta ensuite : « Après cette
réponse du Prophète , je
n'ai cessé de prier, de jeûner
et d'affranchir des esclaves, pour expier mon
audace de m'être opposé à
l'Envoyé de Dieu, car aujourd'hui encore,
j'ai peur des conséquences de ce que
j'ai dit ce jour-là ! »
Les
appréhensions de 'Umar
étaient
finalement non fondées, puisque le traité
s'avéra être un grand succès
pour l'islam et les musulmans.
Il
avait l'habitude de dire : « Nous étions
avilis et l'islam nous a honorés ! »
C'est
pour cela qu'il ne voulait faire aucune concession
aux qurayshites. D'ailleurs, les témoignages
du Prophète
et des autres compagnons
concernant sa personnalité sont édifiants.
C'est
ainsi que le Messager de Dieu
a dit :
«
De toute ma communauté, c'est 'Umar qui
est le plus ferme lorsqu'il s'agit de respecter
les limites de Dieu ! » [
Rapporté
par Ibn Sa`d dans les Tabaqât. ]
Dans
un autre hadith, rapporté par Abû
Dharr Al-Ghifârî, le Prophète
a dit également :
« Dieu a fait
en sorte que la vérité sorte facilement
de la bouche de 'Umar » [
Rapporté
par Ibn Mâjah et AI-Hâkim. ]
Dans
un autre hadith rapporté par 'Uqba Ibn
'Amâr – que Dieu l’agrée – l'Envoyé
de Dieu
a dit :
« S'il y avait un Prophète
après Moi, ce serait 'Umar ! »
Il
a dit aussi :
« Chaque fois que Dieu a
envoyé un prophète dans une communauté,
il a fait en sorte qu'il y ait dans celle-ci
un homme à qui l'on parle ! Quant à
ma communauté, s'il doit y avoir quelqu'un,
ce sera 'Umar ! »
On
lui demanda : « Ô Prophète
de Dieu, qu'est-ce qu'un homme à qui
l'on parle ? » Il répondit : «
C'est celui à qui les anges dictent les
paroles. »
Ibn
Mas`ûd a dit pour sa part : « Si
l'on mettait la science de 'Umar sur le plateau
d'une balance et la science de tous les vivants
sur l'autre plateau, nul doute que celui de
'Umar serait plus lourd.
Hudayfa
a dit quant à lui : « Je ne connais
pas d'homme qui ne craigne personne, pour la
cause de Dieu, comme 'Umar ! »
‘Umar
était un homme exceptionnel par ses nombreuses
qualités et dons spirituels acquis grâce
à son amour de Dieu et de Son Prophète.
Ce
n'est pas sans raison que le Prophète
l'a qualifié d'homme « à
qui les anges dictent les paroles ! »
On
rapporte aussi, que lorsque l'Envoyé
de Chosroês vint lui rendre visite à
Médine, il le trouva endormi sous un
arbre, les vêtements tous rapiécés.
N'en
croyant pas ses yeux, il eut ces mots sublimes
: « Tu as gouverné avec justice,
tu peux dormir l'âme tranquille ! »
On
raconte à son sujet des faits de thaumaturgie
transmis de génération en génération.
Un
jour, rapporte-t-on, alors qu'il faisait un
sermon sur la chaire de la mosquée, il
s'arrêta tout à coup et se mit
à dire : « Ô Sariyya, prends
garde du côté de la montagne !
» Il
répéta par deux fois cette phrase
sans que les musulmans présents à
la mosquée ne comprennent ce qu'il voulait
entendre par-là.
Ce
n'est qu'une fois la prière terminée,
qu'ils l'interrogèrent sur son étrange
comportement. Il
leur répondit qu'il avait vu l'image
de l'armée musulmane en campagne en Perse
sous le commandement de son général
Sariyya.
Les
armées perses étaient sur le point
de l'encercler par les montagnes et c'est alors
qu'il appela Sariyya pour l'avertir du danger.
Le
plus étrange encore, est que le général
Sariyya, de retour de Perse, confirma avoir
entendu la voix de 'Umar qui l'avertissait du
danger. «
C'est en suivant ses instructions, dira-t-il,
que j'ai pu éviter une défaite
évidente. »
'Umar
avait atteint ce degré de spiritualité
et de certitude qui lui permettait d'être
un canal par lequel la vérité
s'exprimait en réalisant par son comportement
la finalité visée par le verset
coranique qui dit :
«
Craignez Dieu et Dieu vous enseignera. Dieu
est Omniscient. » [
Sourate 2 - Verset 282 ]
C'est
ainsi, rapportent les commentateurs, que plusieurs
de ses avis et opinions furent corroborés
par la Révélation.
On
en veut pour exemples les cas de la station
d'Ibrâhîm, du voile (hijâb)
et d'une dispute du Prophète
avec ses
épouses.
En
effet, Anas Ibn Mâlik a rapporté que 'Umar
a dit :
«
Mon opinion a été confirmée
par la Révélation à trois
reprises.
La
première fois, quand j'ai suggéré
au Messager de Dieu
de prendre la station (maqâm)
d'Ibrâhîm – que le salut de Dieu
soit sur lui – comme lieu de prière,
Dieu
a révélé :
«
Adoptez donc pour lieu de prière, ce
lieu où Ibrâhîm se tint debout.
» [
Sourate 2 - Verset 125 ]
La
seconde fois, quand j'ai dit au Prophète
« Tes épouses voient entrer
chez toi aussi bien l'homme pieux que le pernicieux.
Il serait plus convenable si tu leur ordonnais
de se voiler, et de se soustraire à la
vue des hommes... »
Dieu
révéla : «
Ô Prophète ! Dis à tes épouses,
à tes filles, et aux femmes des croyants,
de ramener sur elles leurs grands voiles ; elles
en seront plus vite reconnues et éviteront
d'être offensées. » [
Sourate
33 - 59 ]
Troisièmement
: lorsque des épouses du Prophète
firent montre d’une jalousie excessive qui a
fini par exaspérer l'Envoyé de
Dieu
, je leur ai dit : « S'il se séparait
de vous, Dieu
serait capable de vous remplacer
auprès de lui par d'autres qui se montreraient
meilleures que vous ! » Et Dieu
a révélé
: «
S'il vous répudie, il se peut que Son
Seigneur lui donne en change des épouses
meilleures que vous, musulmanes, croyantes,
obéissantes, repentantes, adoratrices,
jeûneuses, déjà mariées
ou vierges. » [Sourate
66 - Verset 5 ]
|
C'est
à cet homme aux qualités exceptionnelles
que va échoir la direction de l'état
musulman après la mort d'Abû Bakr
.
Avec
lui, l’islam connaîtra son apogée
et rayonnera sur une grande partie de la Terre.
'Umar
fera preuve d'un grand génie politique,
ce qui permit d’asseoir solidement les institutions
de cet État et de donner à celui-son
heure de gloire. Abû
Bakr
ne s'était pas trompé.
À
ceux qui disaient que 'Umar
était trop
dur et qu'il ne pouvait lui succéder,
il répondit sur son lit de mort : «
J'ai désigné à la tête
des musulmans le meilleur d'entre eux ! »
Il
est vrai qu'avant de prendre cette vision, Abû
Bakr
avait consulté les plus proches
compagnons du Prophète .
Dans
son Târîkh, l'historien Tabarî
a rapporté ce qui suit :
« Selon
Muhammad Ibn Jarr, lorsque Abû Bakr
est
tombé malade et voyant que le terme de
sa vie arrivait, il commença à
se préoccuper de sa succession. Pour
ce faire, il appela 'Abd Ar-Rahmân ibn
'Awf et se confia à lui à ce sujet.
Il
lui demanda ce qu'il pensait de 'Umar . Ibn 'Awf
ne trouva aucun inconvénient à
cette succession mais fit remarquer que 'Umar
était un homme sévère et
dur. Abû Bakr
répondit : «
S'il se montre aujourd'hui sévère
et dur, c'est parce que moi je suis très
conciliant et trop doux avec les gens ; une
fois qu'il sera au pouvoir, il deviendra plus
indulgent. » Les
autres compagnons consultés donnèrent
la même opinion. A la fin, le Calife confirma
nomination par écrit. »
Le
lendemain de la mort d'Abû Bakr — que
Dieu l'agrée — 'Umar
fut proclamé
Calife.
Le
jour de son élection, il fit le sermon
suivant :
« Ô peuple ! J'ai été
désigné pour diriger vos affaires,
et si je n'espérais pas être le
meilleur d'entre vous pour vous servir et le
plus à même de supporter les responsabilités
qui touchent aux affaires de l'état et
à vos propres affaires, je n'aurais jamais
accepté cette charge. Il me suffit déjà
d'avoir sur les épaules le lourd fardeau
d'appréhender le Jour du Jugement (dernier)
si je vous lèse dans vos droits ! Comment
puis-je vous garantir vos droits ? Comment dois-je
les préserver et dans quelles œuvres
vais-je les faire fructifier ? Quelle politique
devrai-je suivre pour assurer au mieux vos droits
? 'Umar ne peut plus se fier ni à sa
force ni à son intelligence, si Dieu
— qu'Il soit glorifié — ne lui vient
pas en aide et ne lui porte secours par Sa miséricorde
! »
Homme
de direction, il le prouvera en continuant l'œuvre
laissée par Abû Bakr . 'Umar
déploiera
tout son génie pendant son califat. Suivant
de près toutes les affaires de la cité.
Il œuvrera pour la propagation de l'islam.
Il
s'impliquera dans les batailles par ses conseils
et ses instructions.
C'est
ainsi que la victoire du général
Abû 'Ubayda Ibn AI-Jarrâh sur les Byzantins à
Hims — l'ancienne Emesse —fut acquise grâce
aux instructions du Calife. En
effet, ayant appris que les musulmans, sous
le commandement d'Abû 'Ubayda se trouvait
à Hims, les Byzantins décidèrent
d'aller à leur rencontre avec une armée
considérable. Apprenant
la nouvelle, Abû 'Ubayda réunit
ses lieutenants et leur demanda conseil.
Khâlid
Ibn Al-Walîd lui suggéra d'aller
à la rencontre de l'ennemi, tandis que
les autres lui conseillèrent de se retirer
de la ville et d'écrire au Calife pour
demander conseil. 'Umar
reçut l'émissaire d'Abû
'Ubayda et lui donna ses instructions.
Il
lui ordonna de demeurer sur place et de soutenir
le siège. Ensuite,
il ordonna à Sa'd Ibn Abî Waqqâs
d'envoyer à
Abû 'Ubayda des renforts avec le fameux
Al-Qa'qâ' Ibn 'Amr. La
conquête de la Syrie s'accéléra
alors par une suite de victoires successives.
En
l'an 18 de l'Hégire (639 après
J.-C.), la conquête de la Syrie était
pratiquement achevée.
Le
grand quartier général des musulmans
était Jabiya dans le Jawlân, à
un jour de marche au sud de Damas; les princes
ghassanides y avaient eu leur résidence
et la ville avait conservé son importance
militaire jusqu'au temps des 'Umayyades.
C'est
là que 'Umar
se rendit avec un grand
nombre de compagnons afin d'organiser les institutions
et d'y nommer des gouverneurs. C'est là,
dit-on, qu'il fixa les bases du système
des pensions qui assurait aux combattants un
revenu régulier.
'Umar
envoya de là
à Jérusalem Châlit Ibn Thâbit,
ville sainte si chère à l'islam.
La
ville sainte ouvrit ses portes aux musulmans
et c'est 'Umar
lui-même qui se déplaça
pour accepter les conditions de sa reddition.
Il
faut dire que celles-ci étaient sans
précédent dans l'histoire de l'humanité.
En
effet, jamais on ne vit un conquérant
entrer dans une ville et traiter ses habitants
de la même manière que le fit 'Umar
avec les habitants — chrétiens et juifs
— de Jérusalem.
Moyennant
paiement du tribu ordinaire, il accorda aux
chrétiens la sécurité de
leurs biens, le maintien de leurs lieux de culte
et la liberté religieuse. Ensuite, invité
par le patriarche de Jérusalem à
accomplir la prière rituelle dans l'église
de la Résurrection, il refusa, préférant
l'accomplir sur la place du Rocher sacré.
Aux
musulmans qui l'interrogeaient sur son geste,
il répondit qu'il avait craint en faisant
sa prière à l'intérieur
d'un lieu de culte chrétien que cela
ne serve de précédent aux musulmans
pour réclamer un jour la restitution
du lieu.
Attitude
sage et responsable qui contraste fortement
avec celle des conquérants chrétiens
qui, quelques siècles après, durant
les fameuses croisades, mettront à feu
et à sang la ville sainte en massacrant
des milliers de musulmans et de juifs et en
saccageant leurs lieux de culte. Cette tolérance-là
accompagna les musulmans tout au long de leurs
conquêtes. C'est ce qui explique d'ailleurs
la propagation rapide de l'islam à travers
le monde quelques années seulement après
la mort du Prophète .
À
l'est, sur le front perse, les musulmans continuèrent
leur avancée. Pourtant, les débuts
de la conquête furent quelque peu désastreux.
En effet, à Qûs An-Natif, près
de Hîra, une armée persane se présenta
face aux musulmans sous le commandement d'Ab
Ubayda Ath-Thaqâfi et leur infligea une
sévère défaite. Abû
Ubayda mourut. Le Calife nomma AI-Muthanna à
sa place. Celui-ci fit preuve d'une grande stratégie
qui sauva les musulmans du désastre.
L'année suivante, les persans revinrent
à l'attaque. AI-Muthanna les attendit
à Buwayb, derrière un des canaux
occidentaux de l'Euphrate. La bataille qui s'ensuivit
fut appelée « la bataille du pont
».
Les
Persans, malgré une vigoureuse contre-attaque,
furent sévèrement battus. Les
musulmans pouvaient alors pousser des reconnaissances
à l'intérieur du pays, tandis
que les persans rassemblaient leurs troupes
pour la bataille décisive.
Le
général Al-Muthanna étant
mort à la suite de ses blessures, le
commandement passa alors au prestigieux Sa`d
Ibn Abî Waqqâs , l'un des plus fidèles
compagnons du Prophète .
À
la tête de l'armée persane, se
trouvait le général de l'empire,
Rostom.
La
rencontre des deux armées eut lieu à
Al-Qâdisiyya, au sud du Najaf actuel,
à trente kilomètres de Kûfa
qui, de camp militaire, devint une grande ville
musulmane. Après une période d'expectative
de plusieurs semaines, les deux armées
se heurtèrent violemment dans une bataille
décisive qui déterminera le destin
de la Perse. Peu nombreux, mais bien plus motivés,
les musulmans infligèrent à leurs
adversaires une défaite cinglante dont
ils ne purent jamais se relever. Les aimées
persanes se retirèrent avec de lourdes
pertes. Les musulmans qui avaient reçu
des renforts de Syrie, avancèrent par
l'Euphrate sur Ctésiphon-Séleucie,
la capitale de l'empire sassanide que Yezdegerd,
le nouveau roi, évacua en catastrophe.
Les
musulmans étaient maîtres du légendaire
royaume sassanide et de ses fabuleux trésors.
Mais ce ne sont pas ces trésors aussi
merveilleux soient-ils qui ont motivé
la venue des musulmans en Perse. Ils sont venus
pour un but plus noble que celui-là.
Au général Rostom qui l'interrogeait
sur les véritables motivations qui les
ont amenés en Perse
Rabî' Ibn
'Amâr répondit : « Dieu nous
a envoyés vers vous, avec pour mission
de sortir les gens de l'adoration de leurs semblables
vers l'adoration du Dieu des hommes, de les
sortir de la vie étroite d'ici-bas vers
la félicité de l'Au-delà
et de les faire sortir de l'injustice des religions
perverties vers la justice et l'équité
de l'islam ! »
Tour
à tour, toutes les villes persanes tombèrent
aux mains des musulmans. Le destin de l'empire
perse s'accomplit sous l'avancée de l'armée
musulmane commandée par Nû'mân
Ibn Muqarrim. Celui-ci était en contact
permanent avec le Calife à Médine.
Il faut dire que 'Umar
suivait avec une attention
particulière la situation sur le front
perse. On rapporte même qu'il lui tenait
à cœur de prendre le commandement de
l'armée et d'être présent
sur le front, n'était-ce
l'insistance des autres compagnons qui lui conseillèrent
de demeurer à Médine où
sa présence était indispensable.
La
Perse était désormais musulmane.
Ainsi venait de se concrétiser la prophétie
du Messager de Dieu
qui avait prédit,
lors de la bataille des tranchées (al-khandaq),
la future conquête des palais de Chosroês
et la prise de la Perse par les musulmans.
Après
la prise de la Syrie et de la Babylonie, il
restait aux musulmans à conquérir
la Mésopotamie, située entre les
deux.
Il
faut dire que la population autochtone d'origine
araméenne était constamment opprimée
par l'orthodoxie grecque aux commandes à
cause de sa religion monophysite - [
def : Doctrine christologique du Ve s. affirmant l'union du
divin et de l'humain dans le Christ en une seule nature ] . Les autorités
byzantines n'étaient représentées
que par des forteresses isolées des habitants
et repliées sur
elles-mêmes.
La
déchirure était totale entre les
populations locales et les
autorités byzantines. L'Islam, avec sa
tolérance et sa justice, viendra combler
ce vide.
C'est
de Syrie que les musulmans pénétrèrent
en Mésopotamie. Après la mort
d'Abû 'Ubayda à 'Amwas,
'Umar
avait nommé à sa place `Iyâd
Ibn Ghanîm en lui recommandant la conquête
de la Mésopotamie.
Celle-ci
fut accomplie un
temps très court.
Toutes
les villes furent prises sans résistance,
à l’exception de Rashayna.
Avec
la conquête de la Mésopotamie,
la route de l'Égypte était ouverte
pour y porter le message de l'islam. Celle-ci
fut dévolue à 'Amr Ibn Al-'Âs
.Il
la mena avec succès, en devenant même
un libérateur pour les populations
coptes opprimées par les autorités
byzantines.
La
première mosquée qui portera le
nom de 'Amr sera construite
à Fustat, qui deviendra le vieux Caire.
Quelque
temps après, la majorité de la
population adhérera à l'islam.
Dans plusieurs autres parties du monde, l'islam
fit des progrès considérables.
Sous
le califat de 'Umar , les frontières de
l'état islamique s'étendaient
jusqu'au pays des Afghans et atteignaient la
limite de la frontière chinoise à
l'Est, l'Anatolie et la mer Caspienne au Nord,
la ville de Barqa, en Tripolitaine à
l'Ouest, et la Numidie au Sud.
Cet
immense territoire qui prenait forme se devait
d'être aménagé
et organisé.
Là aussi, 'Umar montra
son génie de bâtisseur, et de gestionnaire,
de même que ses grandes capacités
de chef d’état
soucieux du bien-être de ses administrés.
C'est ainsi qu'il fut à
l’origine de la création de nombreuses
villes dans les provinces conquises,
entre autres, Bassorah, Al-Kufâ, Mossoul
en Irak, Fustat (le vieux Caire) en Égypte,
Tawaj en Perse...
Il
fut aussi à l'origine de la construction
de plusieurs mosquées pour l'enseignement
de l'islam.
Dans
toutes les grandes villes, il nomma des gouverneurs
pour administrer les affaires des cités
et défendre les intérêts
des habitants. Conformément à
l'esprit de l'islam, il laissa aux anciens fonctionnaires
tous leurs postes. En Égypte, par exemple,
beaucoup de postes administratifs furent occupés
par des coptes.
Les
gouverneurs nommés directement par 'Umar
avaient pour attributions de diriger les prières
du vendredi et des fêtes légales,
de veiller à la bonne application des
lois, de protéger les frontières
de l'état et de veiller à l'enseignement
de l'islam. Ils
étaient aussi tenus de faire régner
la justice et l'équité entre les
citoyens quelle que soit leur confession.Il
leur faisait adjoindre un juge (qâdi),
un responsable du cadastre (sâhib al-kharâj)
et un directeur des finances (sâhib al-mâl).
De
ce fait, le gouverneur ne risquait pas de devenir
injuste et oppresseur.
Comme
nous l'avons vu plus haut, le credo de 'Umar
était la justice. Il ne permettait à
personne – si puissant soit-il – de la transgresser.
On connaît l'histoire de la plainte déposée
par un jeune copte d'Égypte auprès
du Calife contre 'Amr Ibn Al-'Âs et son
fils. Ce dernier, rappelle-t-on, avait perdu
dans une course de chevaux contre le jeune copte
et, furieux de cet échec, avait fouetté
puis emprisonné celui-ci en faisant valoir
sa qualité de fils de deux nobles.
Après
s'être échappé de la prison,
le copte alla trouver le Calife et lui raconta
sa mésaventure. 'Umar fit convoquer alors
'Amr Ibn Al-'Âs
et son fils à Médine.
S'étant
assuré de la véracité des
faits, il donna un fouet au copte et lui ordonna
d'infliger au fils du gouverneur le même
châtiment que celui-ci lui avait fait
subir. Ensuite, il ordonna d'en faire de même
avec le père. Mais le jeune copte refusa,
considérant que le châtiment infligé
au fils était suffisant pour réparer
le préjudice. C'est à la suite
de cet événement que 'Umar prononça
sa célèbre maxime : « Depuis
quand vous permettez-vous d'asservir des gens
alors que leurs mères les ont enfantés
libres ? »
`Umar
savait que les gouverneurs étaient, par
leur statut et leur autorité, enclins
à outrepasser leurs prérogatives
et à dévier de la juste voie.
C'est
pour cela qu'il les faisait surveiller et, le
cas échéant, destituer. Afin d'être
informé des doléances des administrés,
il nomma comme wakîl – sorte de procureur
– un compagnon, Muhammad Ibn Maslama , réputé
pour son intégrité, pour lui rendre
compte de la véracité des plaintes
que les administrés – musulmans ou non
–déposaient contre leurs gouverneurs.
'Umar
savait que la justice au sens large du terme
était à la base de la stabilité
et de la prospérité des sociétés.
C'est pour cela qu'il donna à celle-ci
toute son importance. La volonté de justice
de 'Umar était effective et transparaissait
dans tous ses actes.
Il
avait l'habitude de dire dans certains de ses
discours :
« Ô peuple ! Je jure
par Dieu que je ne vous délègue
pas mes gouverneurs pour qu'ils vous oppriment
ou pour qu'ils vous lèsent dans vos droits
! Non, ils sont envoyés vers vous pour
vous enseigner votre religion ainsi que la tradition
de votre Prophète et pour qu'ils jugent
entre vous avec justice et équité.
Si l'un d'entre eux transgresse ces règles,
n'hésitez pas à m'en informer,
car je jure par Celui qui détient l'âme
de 'Umar entre Sa main, il aura des comptes
à me rendre ! »
Nous
l'avons vu, joignant le geste à la parole,
convoquer 'Amr Ibn Al-'As , le gouverneur d'Égypte
et son fils lorsque ce dernier maltraita un
jeune copte.
Une
autre fois, rapportent les historiens, il entendit
parler d'un gouverneur en exercice à
Al-Ahwâz, qui avait bâti une demeure
sur une colline, obligeant, à une ascension
pénible, ceux qui venaient lui présenter
des doléances.
'Umar
lui envoya un message dans lequel il était
écrit :
« J'ai appris que tu t'es
installé dans une demeure en retrait
des habitants qui ne peuvent y accéder
que difficilement ! Choisis donc une demeure
plus facile d'accès et ne t'isoles pas
des musulmans et des autres administrés.
Accomplis ton devoir avec conscience : c'est
ainsi que tu gagneras l'Au-delà et que
la vie d'ici-bas te sera aisée... »
À
un de ses gouverneurs, il écrivit :
«
Ouvres ta porte à tes administrés
et veilles personnellement à résoudre
leurs problèmes car, en vérité,
tu n'es que l'un d'entre eux, à qui Dieu
a simplement donné une charge plus lourde
à porter ! »
Il
n'hésitait pas à descendre lui-même
dans les rues de Médine pour s'enquérir
de la situation de ses habitants.
C'est ainsi,
qu'une nuit, alors qu'il circulait dans les
rues de Médine, en compagnie de
son compagnon Aslam, il vit un feu en dehors
de la ville et s'arrêta pour voir ce qu'il
en était. 'Umar
dit à son compagnon
: « Quelqu'un a fait halte à cet
endroit : Allons voir qui c'est. » Ils
s'approchèrent du feu et virent une femme
entourée de deux ou trois enfants qui
pleuraient.
La femme s'affairait à allumer
du feu sous un pot, tout en disant à
ses enfants : « Ne pleurez pas mes enfants
et dormez jusqu'à ce que la nourriture
soit prête. Je vous réveillerai
pour manger.
Mes pauvres enfants, je me plaindrai
à Dieu de 'Umar qui, lui, doit dormir
rassasié, alors que nous, nous souffrons
des affres de la faim ! » En
entendant les plaintes de cette femme, 'Umar
en fut très touché et très
peiné. Il salua la femme et lui demanda
la permission d'entrer sous la tente. «
Si vous êtes animé de bonnes intentions,
répondit-elle, entrez ! »
Il
entra et lui demanda la cause des pleurs de
ses enfants. Elle répondit : «
J'ai quitté mon pays avec mes enfants
pour gagner Médine, mais j'ai été
obligée de m'arrêter à cet
endroit, car la fatigue et la faim nous empêchaient
de continuer. Maintenant nous n'arrivons plus
à dormir à cause de la faim qui
nous tenaille ! » Le Calife
lui dit :
« Mais pourquoi invoques-tu Dieu contre
'Umar ? » Elle répondit : «
Parce qu'il a envoyé mon époux
à la guerre où il a été
tué. Depuis ce jour, je vis dans la misère,
moi et mes enfants ! »
Il lui demanda
ce qu'il y avait dans la marmite. « Il
n'y a que de l'eau, répondit-elle, mais
j'ai monté cette astuce pour faire patienter
mes enfants jusqu'à ce que le sommeil
les terrasse ! » 'Umar
demanda à
la femme de l'attendre et fit signe à
son compagnon Aslam de le suivre. Ils coururent
vers la ville et allèrent vers la boutique
d'un marchand de farine. Ne trouvant pas celui-ci
dans sa boutique, ils allèrent le chercher
chez lui. 'Umar le fit sortir et lui acheta
un sac de farine. Ils allèrent ensuite
chez le boucher où ils demandèrent
de la viande. Le boucher n'en avait pas, mais
il leur donna de la graisse. 'Umar le paya et
s'apprêta à partir.
Il alla prendre
le sac de farine, lorsque son compagnon lui
dit : « Ô Émir des croyants
! Laisse-moi porter cela. » Mais il rétorqua
« Ô Aslam ! Si tu prends cette charge,
qui portera le poids de mes péchés
? Et qui prendra sur lui le poids de la plainte
de cette femme ? » Il pleura si fort que
son compagnon en fut ému. Ils retournèrent
aussi vite vers la femme et la trouvèrent
toujours en train d'attiser le feu sous la marmite
pleine d'eau. 'Umar déposa sa charge
devant elle et resta debout, attendant sa réaction.
Elle
lui dit : « Que Dieu récompense
ta charité ! Tu es plus digne d'être
le protecteur des pauvres que 'Umar. »
Tout ému, le Calife , qui ne voulut décliner
son identité, prit un peu de graisse
et la mit dans un pot. Il invita la femme à
préparer la pâte, puis il demanda
à son compagnon d'apporter du bois. Lorsque
celui-ci revint, il trouva le commandant des
croyants , accroupi, la barbe touchant la terre,
occupé à souffler sur le feu.
Quant à la femme, elle s'affairait à
cuire la pâte qu'elle avait préparée
dans une assiette et la mélangeait la
graisse. Lorsque la nourriture fut prête,
'Umar la versa dans une assiette
et invita cette dernière et ses enfants
à en manger.
Il lui dit : « Servez-vous
ainsi que vos enfants et rassasiez-vous. Remerciez
le Seigneur et priez pour 'Umar, qui n'était
pas au courant de votre situation ! »
Après
quoi, il retourna chez lui.
'Umar
était
ainsi.
Un caractère sévère,
mais un cœur doux qui était sensible
à la moindre détresse humaine.
On rapporte que, sous son règne, une
terrible sécheresse frappa le territoire
de l'Arabie. On appela cette période
l'année des cendres en raison de la poussière
que les vents charriaient et qui ressemblait
à la cendre. Les gens, dit-on, souffraient
beaucoup et ne trouvaient pas de quoi se nourrir.
Voulant partager les
souffrances de ses administrés, le Calife
fit le vœu de ne plus consommer de nourriture
à base de viande, ni de boire de lait,
tant que les musulmans et leurs enfants ne pourraient
se nourrir et manger comme ils en avaient l'habitude.
Il se priva de tout à l'exception de
pain
et d'huile à tel point que sa peau devint
jaune. Se considérant comme
responsable du sort des musulmans, il voulait
partager leurs souffrances.
Cela dura presque
une année.
Cet
homme avait le sens de l'État. Il était
très préoccupé du sort
des musulmans et des non-musulmans qui
vivaient sous la protection de l’état
islamique. Il avait l'habitude de dire : «
Si un mulet trébuche en Irak,
Dieu m'en demandera compte en me disant : "Pourquoi,
‘Umar,
ne lui as-tu pas aplani la route ?" »
Un
jour, alors qu'il travaillait à l'intérieur
du bayt al-mâl, 'Ali Ibn Abî Tâlib
entra. 'Umar
lui dit : « Ô Abû Al-Hassan
est-ce personnel ou est-ce une affaire qui concerne
les musulmans ? » 'Ali
répondit
: C'est plutôt une affaire personnelle.
»
'Umar éteignit alors la bougie
qui éclairait la chambre en disant :
« Dans ce cas-là, nous n'avons
pas le droit de gaspiller les biens des musulmans
! »
On
interrogea un jour Aslam qui était le
secrétaire de bayt al-mâl, pour
savoir si `Umar
n'avait jamais rien pris indûment
dans le trésor. Il répondit :
« Jamais ! Seulement, quand il n'avait
pas de quoi subvenir à ses besoins et
à ceux de sa famille, il empruntait au
bayt al-mâl ce dont il avait besoin, et,
une fois sa pension reçue, il le restituait.
»
Il
avait une grande crainte de Dieu. Sa piété
et sa vertu étaient ses traits de caractère
les plus en vue. Sa foi et son amour de Dieu
transparaissaient dans chacun de ses actes.
Il disait avec émotion et sincérité
:
«
Si mon Seigneur disait au Jour de la résurrection,
toutes les créatures entreront au Paradis
sauf une, je craindrai que ce soit moi ! »
Cet
homme, que les gens craignaient pour sa sévérité
et sa dureté, n'hésitait pourtant
pas à s'adoucir spontanément et
à faire amende honorable, lorsque des
arguments étaient invoqués contre
lui.
Lors
d'un sermon sur le mariage, il critiqua l'enchérissement
de la dot et annonça sa volonté
d'en fixer un montant raisonnable. Une voix
de femme se fit entendre et qui disait : «
Ô commandeur des croyants ! Comment peux-tu
faire cela, alors que Dieu
a dit :
"Si
vous voulez remplacer une épouse par
une autre et que vous avez donné à
l'une d'elles un quintal (d'or), n'en reprenez
rien." [Sourate 4
- Verset 20 ] »
En
entendant ces paroles et la vérité
qui s'en dégageait, 'Umar revint sur
sa décision et dit : « 'Umar s'est
trompé et la femme a vu juste ! »
Une autre fois, nous dit-on, il était
en train de faire sa tournée nocturne
à Médine en compagnie de 'Abd
ar-Rahmân Ibn 'Awf , lorsqu'ils virent
une lampe allumée dans une maison. Ils
s'approchèrent de la demeure et entendirent
des voix. Le Calife demanda à son compagnon
à qui appartenait la maison. Il lui répondit
qu'elle appartenait à Rabî'a Ibn
Umayya Ibn Khalaf et que celui-ci devait tenir
une séance de beuverie. Il lui demanda
ce qu'il allait faire. « Je crois que
nous avons commis une erreur que Dieu
a rigoureusement
condamnée. » Et il récita
la parole du Très-Haut
:
« Ne vous
espionnez pas. » [
Sourate 49 - Verset 12 ]
Il reprit
: « Or, nous venons de commettre cette
erreur ! » Ils s'éloignèrent
alors.
Un
jour, il vit un homme en train de commettre
un vol. 'Umar l'interpella, mais l'homme nia
cet acte et jura par Dieu qu'il était
innocent. Le Calife
lui dit : « Tu dis
vrai et les yeux de 'Umar ont menti
! »
Sa
vénération pour Dieu
était
telle qu'il refusait d'admettre qu'on puisse
jurer en Son Nom et mentir.
C'est
à juste titre que le Prophète
a dit à son propos, en le montrant
du doigt :
« Celui-là est la clef
de voûte qui vous protégera de
la désunion (fitna). Tant qu'il sera
parmi vous, il sera comme une Porte bien fermée
devant toute division. » [
Rapporté par Al-Bazzâr.]
En
effet, durant tout son califat qui dura dix
ans et quelques mois, jamais les musulmans ne
connurent de troubles ou de guerres fratricides.
La stabilité et la sécurité
étaient de vigueur sur tout le territoire
du califat qui s'étendait sur des millions
de kilomètres carrés. Il est vrai
que 'Umar
n'était pas un homme ordinaire.
Son sens de la responsabilité et ses
grandes qualités de meneur d'hommes talent
ses principaux atouts dans l'exercice du pouvoir.
Il savait choisir ses gouverneurs et n'hésitait
pas à les réprimander lorsqu'ils
outrepassaient leurs prérogatives ou
dépassaient les limites imposées
par la loi. On le voyait même effectuer
des rondes dans les rues de Médine pour
s'informer de la situation des gens et veiller
à leur bien-être. Malgré
tous les soucis qu'il se faisait pour la sécurité
et le bonheur de ses administrés, il
aimait toujours dire :
« Que Dieu soit
clément à l'égard de quiconque
me montre mes faiblesses ! »
C'est
que l'homme était d'une modestie rare
chez les hommes ayant exercé le pouvoir.
Un jour, une délégation avec Al-Ahnaf
Ibn Qays à sa tête, vint d'Irak
pour rendre visite au Calife. C'était
un jour de grande chaleur. 'Umar , la tête
couverte d'un turban, était en train
de soigner une chamelle offerte à titre
de don aux nécessiteux. En voyant Al-Ahnaf,
il lui dit : « Ô Al-Ahnaf ! Débarrasses-toi
de tes vêtements, et vient aider le commandeur
des croyants à soigner cette chamelle,
elle fait partie d'un don offert aux orphelins,
aux pauvres et aux veuves ! »
Un
homme présent lui dit : « Que Dieu
te pardonne, ô commandeur des croyants
! Pourquoi n'ordonnes-tu pas à un esclave
de t'aider ? » 'Umar répondit :
« Y a-t-il plus esclave que ce Al-Ahnaf-là
ou moi ? Celui qui prend en charge les affaires
des musulmans est considéré comme
leur esclave. Ils ont sur lui le droit qu'a
le maître sur son esclave : celui de lui
donner des conseils et de bien gérer
ses affaires. »
Ainsi
était 'Umar Ibn Al-Khattâb
au summum
de sa puissance. Il ne voyait aucune différence
entre lui et un simple esclave.
L'Envoyé
de Dieu
n'a-t-il pas dit : « S'il
y avait un prophète après moi,
ce serait 'Umar. »
Les
maximes que 'Umar a laissées dénotent
d'une grande sagesse digne des plus grands moralistes
et éducateurs de l'humanité.
Il
disait :
–
« Le plus sage parmi les hommes est celui
qui leur trouve des excuses et accepte celles
qu'on lui présente. »
–
« Trois choses mènent l'homme à
sa perdition : une avarice à laquelle
il se plie, une passion qui le guide et le fait
qu'il soit fier de lui-même. »
–
« Celui qui agit avec bienfaisance envers
quelqu'un de fautif est un noble. »
–
« Que Dieu soit clément à
l'égard de quiconque me montre mes faiblesses.
»
–
« Jugez vous-mêmes avant qu'on ne
vous juge, et pesez vos actes avant qu'on ne
les pèse, car ceci est plus facile pour
vous que d'être jugés le Jour de
la Résurrection. »
–
« Je voudrais tant sortir de ce monde
comme je suis entré : sans bonnes actions
et sans péchés. »
–
« Celui qui cherche la fréquentation
des rois, sa relation avec Dieu en sera affectée,
et il ne sera plus content de son Seigneur.
»
|
Ces
paroles en disent long sur le caractère
d'ascète et de spiritualité du
personnage.
La communauté avait encore
grandement besoin de ses nombreuses vertus et
qualités, lorsqu'une main criminelle
vint mettre un terme à une vie pleine
de bienfaits et de mansuétude pour les
créatures de Dieu .
Alors qu'il était
recueilli dans la prière de l'aube à
la mosquée, un captif persan appelé
Fayrûz et surnommé Abû Lu'
lu'a, l'assassina par traîtrise en le
poignardant à plusieurs reprises.
Touché,
'Umar eut le temps de désigner Ibn 'Awf
pour qu'il continue la prière collective,
puis il s'affaissa sous l'effet de la douleur.
Lorsqu'il sut l'identité de son agresseur,
il dit : « Béni soit le Seigneur
qui a fait que mon assassin ne soit pas un musulman.
Je sais que les Arabes n'auraient jamais pensé
à faire une chose pareille ! »
Sur
les causes de son assassinat, les versions divergent.
On rapporte que son assassin l'avait tué
à cause d'une affaire de justice dans
laquelle il s'était estimé lésé.
On
rapporte aussi que son assassinat entrait dans
le cadre d'un complot fomenté par des
personnalités persanes restées
fidèles au mazdéisme. Toujours
est-il que son assassinat fut une catastrophe
pour les musulmans qui ne s'en remirent jamais.
Um Ayman a résumé la pensée
des musulmans en disant le jour de sa mort :
« Aujourd'hui, l'islam est tombé
! »
Avant
de rendre l'âme, il eut encore une dernière
pensée pour le destin de sa communauté
en pensant à sa succession. Au début,
dit-on, il voulait lui-même désigner
un successeur, puis se ravisa.
Il
avait dit : « Si Salâm, le domestique
de Hudayfa était encore vivant, je lui
aurais confié le califat. »
Il
laissa le choix aux plus proches compagnons
du Prophète de désigner un successeur.
Il
convoqua 'Ali Ibn Abî Tâlib, 'Uthmân
Ibn 'Affân, Az-Zubayr Ibn Al-'Awwâm,
Sa`d Ibn Abî Waqqâs, 'Abd Ar-Rahmân
Ibn 'Awf et Talha Ibn 'Ubaydallah et leur dit
: « Consultez-vous et choisissez le plus
apte d'entre vous. 'Abdallah Ibn 'Umar sera
votre témoin, mais il ne sera pas concerné
par la succession. Entre temps, chargez Suhayb
de diriger la prière. »
Il
s'adressa ensuite au chef des Ansârs,
Abû Talha Al-Ansârî et lui
dit « Ô Abû Talha ! Dieu a
honoré par vous l'islam, choisis cinquante
hommes des Ansârs et soyez avec vos frères
jusqu'à ce qu'ils élisent l'un
d'entre eux. »
Sur
ce, il rendit l'âme et fut enterré
à côté de la tombe du Prophète
dans la chambre personnelle du Messager
de Dieu.
Il
fut le seul, avec Abû Bakr , à y
être enterré. Il avait alors soixante
ans.
Que
Dieu l'agrée et le récompense
pour le bien qu'il a apporté !

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