« Ô 'Abdallah ! Prie et dors,
jeûne et mange, et obéis à ton père. »
[ Parole du Prophète Muhammad
,
rapportée par AI-Bazzâr d'après le récit de Rajâ Ibn Rabî'a.
Al-Haythami a témoigné de son authenticité. ]
Cet illustre
compagnon et un des premiers convertis à l'islam était le fils du
célèbre général musulman, 'Amr Ibn Al-`Âs
, le conquérant de l'Égypte.
Mais si 'Amr
était l'un des plus acharnés adversaires des musulmans
avant sa conversion, son fils 'Abdallah
s'est converti très tôt à
l'islam, et en fut l'un des plus ardents défenseurs.
Il faut dire que
les deux hommes se différenciaient beaucoup du point de vue du
caractère. En effet, autant 'Amr était rusé, ambitieux et porté sur les
choses de la politique et des intrigues, autant son fils 'Abdallah
était détaché des choses de ce monde et porté sur l'adoration et la
quête de la vie future.
Cet illustre et pieux compagnon était le
parfait exemple de l'ascète voué à la vie spirituelle et à la
perfection de l'âme. Il ne trouvait son plaisir et son bonheur que dans
la prière, le jeûne et les veillées en adoration face à la Majesté
divine. La nuit s'est confondue chez lui avec le jour tellement il
priait la nuit et jeûnait le jour. La lecture du Coran a également
absorbé son âme, et on ne le voyait qu'en train de réciter les versets
du Livre saint avec passion et ferveur.
Il n'entrecoupait les actes de
piété et d'adoration que pour participer à la lutte contre les païens
avec le Messager de Dieu
et les compagnons
. À son retour des champs de
bataille, il reprenait sa vie d'adorateur et d'ascète avec de plus en
plus de rigueur et de sévérité.
Devant cette règle de vie sévère et
immodérée que s'est imposé cet illustre compagnon, le Messager de Dieu
qui avait recommandé le juste milieu en toute chose, convoqua
'Abdallah et lui dit :
– « Est-ce vrai, d'après ce qu'on m'a
rapporté, que tu jeûnes les jours sans interruption et que tu pries les
nuits sans dormir ? Il te suffit pourtant de jeûner trois jours de
chaque mois. »
-
'Abdallah
lui répondit :
« Je suis capable de supporter plus que cela. »
- Le Messager de Dieu
ajouta :
« Il te suffit de jeûner deux jours de chaque semaine. »
-
'Abdallah
répondit :
« Je suis capable de faire encore mieux.
-
Le Prophète lui rétorqua :
« Accomplis alors le meilleur jeûne qui,
soit, celui de David ; celui-ci jeûnait un jour sur deux. » Il lui
ajouta « On m'a aussi informé que tu récites le Coran au cours d'une
seule nuit ; je crains que tu vives longtemps et que sa récitation ne
te devienne comme une corvée pour toi.
Récite-le une fois par mois ou
bien une fois tous les dix jours. Et sache que moi, je jeûne et je
mange, je prie le nuit, je m'endors et je prends femme. Celui qui
n'accepte pas ma règle de vie (sunna) n'est pas des miens. »
Depuis
qu'il a fait serment d'allégeance au Messager de Dieu , notre illustre
compagnon
a fait de la vie future et de la rencontre avec Dieu sa quête
inlassable. Son adoration excessive et son ascétisme sévère n'étaient
pas des corvées qu'il s'imposait, loin s'en faut, c'était une façon
pour lui d'étancher sa soif de spiritualité et de satisfaire les
aspirations de son âme, une âme profondément religieuse, à laquelle
l'islam avait donné les moyens de se polir et de s'élever aux haute
cimes de la spiritualité.
Mais comme tout un chacun sait que l'islam
s'oppose au monachisme et aux mortifications qui mènent vers le retrait
total de ce monde, il était normal que le Messager de Dieu
lui
recommande de faire preuve de modération.
Un jour, il le prit à part et
lui dit :
" Ô 'Abdallah ! Prie et dors ; jeûne et mange et obéis à ton
père."
Ces conseils resteront gravés dans la mémoire de 'Abdallah
qui
ne les oubliera jamais. Et les jours passèrent. Le Messager de Dieu
s'en alla vers l'autre monde et Abû Bakr
lui succéda à la tête de la
communauté en tant que calife.
Deux ans après, Abû Bakr
mourut à son
tour et 'Umar
prit sa place avant de mourir à son tour après son règne
prestigieux de dix ans qui donna à l'islam un essor des plus
extraordinaires. 'Uthmân
lui succéda et continua l'œuvre de son
prédécesseur.
Et pendant tout ce temps-là, 'Abdallah Ibn 'Amr Ibn
Al-'Âs
était absorbé par l'adoration de Dieu sans qu'on lui connaisse
une quelconque activité politique.
Ce n'est qu'à la mort de 'Uthmân
et
l'accession de 'Ali au califat qu'il prit part à la vie politique et
aux problèmes qui divisaient les musulmans. Il faut dire que notre
illustre compagnon n'avait pas pris part à ce conflit qui opposa 'Ali
à
Mu'âwiya par ambition ou pour régler un quelconque différend politique.
Non, de tout cela, il n'en avait cure.
Ce fut sous l'influence de son
père 'Amr Ibn Al-'Âs , qu'il fut amené à prendre part à ce conflit en se
rangeant du côté de Mu'âwiya . 'Amr
, qui avait choisi le camp de
Mu'âwiya , a tout fait pour rallier son fils à ses thèses sachant
l'immense respect dont celui-ci jouissait auprès des musulmans et qui
pourrait leur profiter le cas échéant. Lorsque arriva le fameux jour de
Siffin, 'Amr appela 'Abdallah
et lui dit :
« Fais tes préparatifs, ô
'Abdallah, car tu vas combattre avec nous. »
Étonné, 'Abdallah
répondit :
« Comment puis-je combattre alors que le Messager de Dieu
m'a ordonné de ne point dégainer l'épée contre un musulman ? »
'Amr
lui
expliqua alors que cette bataille avait pour but de châtier les
assassins de 'Uthmân
et de venger son sang versé injustement. Mais,
voyant que son fils n'était pas tellement convaincu par ses arguments,
'Amr lui dit :
« Te souviens-tu, ô 'Abdallah, lorsque le Prophète
a
pris ta main, l'a mise dans la mienne et t'a dit : "Obéis à ton père.
Et il est temps maintenant que tu m'obéisses." »
Et c'est ainsi que
notre pieux compagnon se trouva engagé dans une bataille qu'il ne
voulait pas et qui ne le concernait pas du tout, lui, qui n'avait
aucune ambition politique. Les historiens s'accordent à dire que
'Abdallah Ibn 'Amr Ibn Al-'Âs
sortit certes, avec son père, au sein des
armées de Mu'âwiya , mais qu'il ne participa pas à la bataille, évitant
ainsi la confrontation. La mort de 'Ammâr Ibn Yâsir
, dans le camp de
'Ali , donna à notre illustre compagnon l'occasion de se retirer de
cette bataille absurde. Il se souvint en effet, ainsi que tous les
compagnons, du jour où le Messager de Dieu
avait dit au sujet de 'Ammâr
:
« Malheur à Ibn Sumayya, le groupe des iniques le tuera. »
En
voyant cette prédiction s'accomplir sous ses yeux, 'Abdallah
se rendit
à l'évidence que les armées de Mu'âwiya
étaient dans l'erreur. Il le
clamera à la face des soldats de Mu'âwiya
en leur disant :
« Vous
l'avez tué ! Vous êtes le groupe des iniques ! Vous combattez pour une
cause injuste. »
Sa réaction faillit jeter le trouble parmi les
soldats de Mu'âwiya
et susciter leur démobilisation, n'était-ce la ruse
et l'intelligence de Mu'âwiya
et de 'Amr Ibn Al-'Âs
qui se ressaisirent
à temps et reprirent les choses en mains, comme nous l'avons vu plus
haut dans le chapitre réservé à 'Ammâr Ibn Yâsir .
Voyant que rien ne pouvait arrêter cette folie meurtrière qui s'était
emparée des musulmans, notre pieux compagnon dit à son père 'Amr :
« Si
le Messager de Dieu
ne m'avait ordonné de t'obéir, je ne serais
jamais parti avec toi. »
Et il revint à sa vraie position,
l'adoration, regrettant au plus profond de lui-même cette participation
à Siffin. D'ailleurs, à chaque fois qu'il se remémorait ce jour
funeste, il en pleurait de regret et de dépit. Il disait :
«
Qu'avais-je à bénéficier d'une bataille entre le musulmans ? »
Un
jour, accompagné d'Abû Sa'îd Al-Khudâri, il rendit visite Al-Hussayn
Ibn 'Ali Ibn Abî Tâlib dans sa demeure. Ils discutèrent de divers
sujets et arrivèrent à la bataille de Siffin. C'est alors qu'Al-Hussayn
lui demanda avec un air de reproche : « Pourquoi as-tu combattu aux
côtés de Mu'âwiya ? » 'Abdallah
lui répondit « Un jour, mon père alla
se plaindre de moi au Messager de Dieu
en lui disant : "'Abdallah jeûne
toute la journée et passe toute la nuit en prière." Le Messager de Dieu
me convoqua alors et me dit "Ô 'Abdallah ! Prie et dors, jeûne et mange
et obéis à ton père."
Le jour de Siffin, mon père insista tellement en
me rappelant ce conseil du Messager de Dieu que j'ai fini par accepter
de participer avec eux mais, par Dieu, je n'ai ni dégainé une épée, ni
brandi une lance, ni tiré une flèche. »

À l'âge de soixante-douze
ans, cette grande âme repentante et vertueuse, quitta ce bas monde à la
rencontre de Son Seigneur qui l'appela de cet appel doux :
« Ô toi
âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée ; entre
donc parmi Mes serviteurs et entre dans Mon Paradis. »
[
Sourate 90 - Versets 27/30 ]
Qu'elle se délecte donc de la beauté éternelle dont elle était si avide en ce bas monde ! Ainsi soit-il.

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