« Ô Allah ! Fais que les croyants et les croyantes aiment ton
petit serviteur que voici - c’est-à-dire Abû Hurayra
- et sa mère.»
Avant sa conversion a l’islam, Abû Hurayra
s’appelait ‘Abd Ash-Shams,
c’est-à-dire "le serviteur du soleil". II appartenait a la tribu de Da’us qui
embrassa dans sa majorité l’islam en l’an 6 de l’Hégire. Lors de sa première
rencontre avec le Messager , celui-ci lui dit: « Comment t’appelles-tu ? » Il
répondit : « ‘Abd Ash-Shams. » L’Envoyé d'Allah lui dit : « ‘Abd Ar-Rahman
serait mieux » il répondit : « Ô envoyé d'Allah ! Abd Ar-Rahmân, par mon père et
ma mère que je sacrifierais pour toi. »
Plus tard, il hérita du surnom
d’Abû Hurayra -
le père de la petite chatte - en raison de son affection pour
une chatte qui ne le quittait jamais. Les générations de musulmans qui viendront
après, ne le connaîtront que sous ce surnom.
Après sa conversion à
l’islam, Abû Hurayra
ne quittera plus l’entourage du Messager d'Allah .
II fera
partie des gens de la Suffa , ces compagnons, pauvres et indigents qui, comme
Salman, ‘Ammâr, Abû Dharr, Bilâl et de nombreux autres , occupaient une aile de
la mosquée de Médine, vivant des dons des compagnons aisés et s’adonnant à la
prière et aux actes d'adoration. Il put ainsi fréquenter en permanence
l’Envoyé d'Allah et recueillir des centaines de ses gestes et paroles qu’il
léguera à la postérité. Il faut dire qu’il avait une mémoire prodigieuse qui lui
permettait de mémoriser tout ce qu’il entendait de la bouche du Prophète . Les
historiens de l'islam disent qu'il avait transmis, à lui seul, quelque 1600 hadiths. II expliquera cette prolifération par le fait suivant:
«
Mes compagnons émigrés étaient absorbés par leur commerce et mes
compagnons Ansars par leur travail sur leurs terres. »
Quant à moi, étant
pauvre et sans ressources, je passais le plus clair de mon temps en compagnie du
Messager d'Allah . J’étais présent lorsque eux s’absentaient et je mémorisais
lorsqu’ils oubliaient. L’Envoyé d'Allah nous a dit un jour : «
Qui donc parmi
vous pourra étendre son manteau jusqu’à ce que je termine mon discours, puis le
reprendre sans rien oublier de ce qu’il a entendu ? » J’ai fait comme a dit
l’Envoyé d'Allah et j’ai étendu mon manteau. Après qu’il eut terminé son
discours, je l’ai repris. Par Allah, je n’ai plus rien oublié de ce que j’ai
entendu de lui.
Abû Hurayra répondait ainsi à ceux qui lui reprochaient
de trop parler du Prophète et d’abuser dans la transmission de hadiths. Certes,
il est venu très tardivement à l’islam, mais les 4 années qu’il passa en
compagnie du Messager d'Allah il les consacra à recueillir et à mémoriser les
paroles de ce dernier. Il voulait rattraper le retard de son islamisation en
étudiant, ne faisant que cela, à longueur de journée, aidé en cela par sa
mémoire prodigieuse et par sa totale disponibilité. Il y parvint effectivement,
puisqu'en si peu de temps, il devint l’un des principaux transmetteurs de
hadiths qui font autorité en islam.
[...]
Le mérite de notre
pieux compagnon apparaîtra plus tard dans toute sa splendeur lorsqu’il s’agira
de répertorier et de codifier les hadiths du Prophète . C’est à lui, en effet,
que s'adresseront les traditionnistes, les compilateurs de hadiths pour composer
leurs Sahih – ouvrages de hadiths authentiques. C’est ainsi que l’imam As
Shâfi’i a dit à son sujet : « Abû Hurayra était celui qui a mémorisé le plus de
hadiths à son époque. »
La conversion d’Abû Hurayra
à l’islam et sa
fréquentation assidue du Prophète ne lui ont pas fait oublier sa mère qui n’a
pas embrassé I’islam. Il l’aimait beaucoup et souhaitait tant qu’elle ne soit
pas privée de la lumière de l’islam. Or, elle refusait de se convertir et ne se
privait pas de dénigrer le Messager d'Allah , ce qui chagrinait notre compagnon.
Un jour, raconte-t-il, j’allais voir l’Envoyé d'Allah en pleurant, je lui dis :
« Ô Messager d'Allah ! J’ai demandé à ma mère de se convertir à l’islam mais
elle refuse toujours. En plus aujourd’hui, elle m’a dit du mal de toi. Invoque
Allah pour que la mère d’Abû Hurayra soit guidée vers l'islam. » L’Envoyé d'Allah invoqua alors Allah en ces termes : Ô Allah ! Guide la mère d’Abû Hurayra. »
Tout heureux de cette invocation, je courus en informer ma mère. A mon arrivée,
je trouvai la porte fermée et j'entendis l’eau qui coulait. En voulant entrer,
j’entendis ma mère dire : « Reste où tu es, ô Abu Hurayra ! » Quelques instants
après, elle sortit, portant son voile, et proclama devant moi :

« Je témoigne
qu’il n’y a d'autre dieu que Dieu et que Muhammad est le serviteur et l’Envoyé
d'Allah. »
Je retournai auprès du Messager d'Allah , pleurant de joie
comme je pleurais de tristesse une heure auparavant. Je lui dis : « Ô Messager
d'Allah ! Réjouis-toi car Allah a exaucé ton invocation et a guidé la mère d’Abû
Hurayra vers I’islam. » J’ajoutai à l’adresse de l’Envoyé d'Allah : « O
Envoyé d'Allah Invoque Allah afin qu’il mette de I’amour pour moi et pour ma mère
dans le coeur des croyantes et des croyants. » Le Messager d'Allah invoqua alors
Allah en ces termes : « Ô Allah ! Fais que les croyants et les croyantes aiment
ton petit serviteur que voici et sa mère. »
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Abû Hurayra
aimait de toute
son âme le Prophète . II ne pouvait le quitter d’une semelle tant la passion
étreignait son âme. II disait à son sujet : « Jamais je n’ai vu d’homme aussi
beau et aussi radieux que le Messager d'Allah. On dirait que le soleil se
reflétait sur son visage. » II avait l’habitude de dire :
« Loué soit Allah qui a
guidé Abû Hurayra vers l’islam ! Loué soit Allah qui a fait apprendre à Abû
Hurayra le Saint Coran ! Loué soit Allah qui m’a gratifié de la compagnie de
Muhammad. »
Son amour du Prophète l’avait amené à partager sa vie de
privations et de renoncement. C’est ainsi, nous dit-il, qu’à force d’être
tenaillé par la faim, il serrait une pierre sur son ventre. II a avoué aussi
qu’il lui arrivait de se tenir sur le chemin qu’empruntaient les compagnons et
d’interroger celui qui passait sur un verset quelconque du Coran - qu’il
connaissait d’ailleurs - pour que celui-ci l’invite chez lui et lui donne a
manger.
Un jour, dit-il, j’avais tellement faim que je me mis sur la route en
attendant que quelqu’un passe. Quelques instants après, Abû Bakr passa et je
l’interrogeai sur un verset dans le livre d'Allah . C’était une astuce de ma part
pour qu’il m’invite chez lui. Mais il ne comprit pas mes intentions. J’en fis de
même avec ‘Umar et il n’arriva pas, lui aussi, à comprendre mes intentions,
J’étais là, torturé par la faim, lorsque arriva le Messager d'Allah , en me
voyant, il comprit que j’avais faim. II m’appela alors :
« O Abû Hurayra ! » — «
Je suis à toi, ô Messager d'Allah ! » — Je le suivis jusque chez lui. II y
trouva un gobelet de petit lait. Il demanda à son épouse la provenance de ce
gobelet. C’est un tel, lui répondit-elle, qui l’a apporté. Il se tourna alors
vers moi et me dit : « Ô Abû Hurayra ! Vas chez les gens de la Sûfa et
invite-les. » Je partis à leur recherche, en me demandant comment un gobelet
pourrait-il suffire aux gens de la Sûfa. En vérité, je voulais boire une gorgée
de ce petit lait avant d’aller chercher les gens de la Suffa. J’y allai quand
même et les invitai. Lorsqu’ils s'installèrent chez le Messager d'Allah ,
celui-ci me dit : « Prends le gobelet ô Abû Hurayra et donne-leur à boire. » Je
pris le gobelet et le donnai à chacun à tour de rôle. Ils y burent tous sans que
le gobelet ne se vidât. Lorsque vint le tour du Messager d'Allah , il leva ses
yeux vers moi et me dit en souriant : « II ne reste plus que toi et moi, ô Abû
Hurayra ! » Je répondis : « Oui, ô Messager d'Allah ! » Il me dit : « Bois ! »
Je pris le gobelet et bus. II me dit de nouveau : « Bois encore ! » Je bus
encore. A chaque fois que je posais le gobelet, il me disait de boire encore, Je
bus tellement que je finis par lui dire : « Par Celui qui t’a envoyé avec la
Vérité, je ne peux plus l’avaler ! » Il prit alors le gobelet et but ce qu’il en
restait.
Après la mort du Messager d'Allah , Abû Hurayra
resta à Médine,
s’adonnant aux oeuvres d’adoration et à l’étude de la science. Un jour, dit-on,
il était en train de marcher dans les rues de Médine et vit avec regret les gens
préoccupés par le commerce et les affaires de ce monde. II se mit alors au
milieu de la rue et commença à interpeller les gens en leur disant
:
-
« Ô
gens de Médine, je vois que vous êtes négligents et distraits ! » -
«
Qu’est-ce qui te permet de dire cela ? » répondirent-ils. -
« Vous êtes là
en train de vendre et d’acheter alors que l’héritage de Muhammad se distribue.
Pourquoi n’allez-vous pas prendre vos parts? » - « Où se trouve cet héritage
? » - « A la mosquée ! » Ils se précipitèrent tous à la mosquée
pendant que lui demeurait sur place. Quelque temps après, ils revinrent et lui
dirent : «
Ô Abû Hurayra, nous sommes entrés dans la mosquée et nous
n'avons pas vu que quelque chose s’y distribuait» II leur dit : « Vous
n’avez rien vu à l’intérieur de la mosquée? » - « Si ! Nous avons vu des
gens prier, d’autres réciter le Coran et d’autres étudier le bien et le mal. »
- « Malheur à vous ! C’est cela I’héritage de Muhammad. » leur dit-il.
Bien qu’il se soit enrichi à la faveur des conquêtes, comme beaucoup
d’autres compagnons , il resta toujours modeste et poursuivit sa vie d’ascétisme
et de renoncement qu’il connut avec le Messager d'Allah . Il avait I'habitude de
dire : « J’ai vécu orphelin et j’ai émigré pauvre. J’étais le serviteur de
Bushra, la fille de Ghazwân. Je servais les gens quand ils campaient et
dirigeais leurs chameaux quand ils voyageaient. Allah
m’a fait marier à Bushra,
la femme chez laquelle je travaillais. Loué soit Allah qui a fortifié sa religion
et fait d’Abû Hurayra un imâm. »
Il faisait allusion ici à sa nomination comme
gouverneur de Médine sous le règne de Mu’âwiya. Le jour de sa mort, il pleura
abondamment alors qu’il était allongé sur son lit. On lui dit : « Pourquoi
pleures-tu, ô Abû Hurayra ? » II répondit:
« Je ne pleure pas par regret pour
notre monde, mais parce que le voyage est long et les provisions insuffisantes.
Je suis arrivé au bout d’un chemin qui mène soit au Paradis soit en Enfer, et je
ne sais pas où il va mener. »
Alors qu’il était en train d’agoniser, Marwân Ibn
Al-Hakam lui rendit visite. Il lui dit :
« Qu'Allah t’accorde la guérison, ô Abû
Hurayra ! » Il répondit, dans un dernier râle : « Mon Dieu, j’aspire à te
rencontrer, aspire aussi à me rencontrer et fais que cette rencontre soit
rapide. »
Avant que Marwân Ibn Al-Hakam ne le quittât, il rendit l’âme à son
Seigneur. Il avait alors 78 ans. Depuis, son corps au repose au
cimetière d’Al-Baqî. Qu'Allah
agrée ses oeuvres et le gratifie pour sa
contribution à la transmission du message !

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