« Par Dieu, jamais je n'accepterai d'être au milieu de ma famille,
jouissant des plaisirs de ce monde, alors que Muhammad souffre de la piqûre d'une épine. »

[ Parole de al-khabbab ibn 'adiy ]
 

Abû Sufyân ne croyait pas si bien dire en parlant des compagnons du Prophète  en ces termes :

« Jamais, disait-il, je n'ai vu deux hommes aimer autant l'un des leurs
que les compagnons de Muhammad aimaient celui-ci. »
 

Et pour cause ! Abû Sufyân savait de quoi il parlait. Cette réaction, il l'eut en voyant Al-Khabbâb  Ibn ‘adiy accepter de mourir héroïquement crucifié plutôt que de voir le Messager de Dieu souffrir de la piqûre d'une épine.

AI-Khabbâb Ibn 'Adiy , cet homme capable d'un tel acte d'héroïsme et de grandeur d'âme, était de la tribu des Aws, célèbre à Médine, avec celle d'Al-Khazraj. C'était donc un des Ansârs qui avaient accueilli le Messager de Dieu et qui avaient cru en sa mission.

C’était un fervent croyant qui côtoyait le Prophète et apprenait de lui
science et la sagesse. Il cherchait toujours à affermir sa foi et à serendre vertueux en se surpassant dans la science, la vertu, et la piété.

Lors de la bataille de Badr, il se distingua par son courage et son héroïsme à l'instar de ses frères dans la foi. Parmi les qurayshites qu’il tua à Badr, il y avait AI-Hârith Ibn 'Amr Ibn Nawfal, un des plus ardents ennemis de l'islam. Al-Khabbâb ne tua pas cet homme par haine ou par désir de vengeance mais parce que lui-même et ses semblables voulaient l'empêcher d'adorer Dieu et de pratiquer sa religion. Or, les enfants d’Al-Hârith, apprenant la mort de leur père, retinrent le nom de celui qui l'avait tué et jurèrent de venger leur père.

Les jours passèrent, AI-Khabbâb et ses frères sortis victorieux de la bataille de Badr, revinrent à Médine pour s'adonner en toute quiétude à l'adoration du Seigneur et à leurs activités de tous les jours.

Al-Khabbâb , préoccupé par son salut, se surpassait en multipliant les actes de piété et d'adoration. Il passait la nuit en prière et le jour, il était en état de jeûne, le souvenir de Dieu  toujours présent.

Il fut choisi, un jour, par le Prophète pour faire partie d'un groupe de compagnons conduits par 'Âsim Ibn Thâbit  , qui devaient se rendre dans les environs de la Mecque dans le but de sonder les intentions des qurayshites, qui s'adonnaient à des préparatifs de guerre pour prendre leur revanche sur la défaite de Badr.

Le groupe partit pour accomplir sa mission, sans se douter que la trahison et la forfaiture de certains membres de la tribu Hayyân allaient causer sa perte.

 En effet, parvenus à un lieu appelé Hudayl, situé entre 'Usfân et la Mecque, les dix compagnons   formant le groupe furent pourchassés par les gens de la tribu Hayyân, qui lancèrent à leurs trousses cent de leurs meilleurs archers, dans le but de les dépouiller de leurs biens et de les vendre comme esclaves. Les musulmans réussirent à semer leurs poursuivants, mais pas pour longtemps, hélas.

Apercevant des noyaux de dattes laissés par le groupe de compagnons dans leur fuite, certains des poursuivants passés maîtres dans l'art de la poursuite, dirent à leurs compagnons : « ce sont des noyaux de Yathrib. Suivons leurs traces afin qu'elles nous mènent à eux ! »

Ils suivirent donc les noyaux semés sur le sable jusqu'à ce qu'ils virent de loin le groupe de musulmans essayant d'échapper à la horde qui les poursuivait.

S'étant aperçu du danger, 'Âsim Ibn Thâbit  , commandant le groupe des compagnons, donna l'ordre à ses hommes de monter sur le sommet d'une montagne afin de se mettre à l'abri de leurs ennemis. Mais leurs poursuivants réussirent à les rattraper et à les encercler. Pris au piège les musulmans ne trouvèrent aucune issue pour s'échapper et durent se résigner à combattre un ennemi dix fois supérieur. Les archers qui les assiégeaient, leur demandèrent de se rendre en s'engageant à ne pas leur faire du mal. Mais 'Âsim  , le chef des musulmans, refusa catégoriquement en disant :

« Par Dieu, je ne me mettrai jamais sous la protection d'un qurayshite quoi qu'il arrive !
Ô Dieu, raconte ce qui nous arrive à Ton Messager ! »

Il n'avait pas tort, car ils n'avaient aucune parole à donner ni aucun engagement à tenir. Ils lancèrent une nuée de flèches qui tuèrent 'Âsim et six de ses compagnons . Aux trois survivants – dont Al-Khabbâb– ils réitérèrent les mêmes promesses et engagements pour leur épargner la vie.

Les trois compagnons  acceptèrent de se rendre et descendirent de leur position. Aussitôt, les archers s'emparèrent d'eux et essayèrent de les ligoter. Ils parvinrent à attacher Al-Khabbâbet son compagnon Zayd Ibn Ad-Dathina mais le troisième homme, voyant l'acte de trahison, essaya de résister et fut tué. Il tomba en martyr comme ses autres frères qui moururent fidèles à leur foi et à leur serment envers Dieu et Son Messager.

 Quant à Al-Khabbâb  et son compagnon Zayd  , ils furent emmenés ligotés jusqu' à la Mecque où on les vendit comme esclaves. C’est alors que le nom d'AI-Khabbâb parvint aux oreilles des fils d'AI-Hârith, l'homme que notre pieux compagnon tua à Badr.

Ils se rappelèrent avoir juré de venger leur père. Leur haine et leur désir de vengeance se réveillèrent et ils décidèrent de les assouvir en mettant la main sur lui à n'importe quel prix. Le calvaire d'AI¬Khabbâb   venait de commencer. Un calvaire, certes, mais aussi une mémorable leçon de courage, de fidélité et d'amour, et plus que cela, une démonstration de piété.

Zayd Ibn Ad-Dathina  , son compagnon, fut tué après avoir subi les pires sévices. Quant à Al-Khabbâb, ses bourreaux semblèrent éprouver une jouissance à le faire souffrir. Attaché jour et nuit, sans boire et sans manger, ses bourreaux le soumirent à un chantage ignoble : renier Muhammad et sa religion, et avoir la vie sauve.

Mais ils se trompaient en croyant que des hommes de la stature d'Al-Khabbâb s'abaisseraient à accepter un tel chantage. Ils ne connaissaient pas la valeur de la foi et de l'amour lorsqu'ils s'installent dans le cœur d'un homme et qu'ils le rendent insensible et indifférent à toutes les tentations de ce bas monde.

AI-Khabbâb était dans cet état. Dieu était avec lui et le soutenait dans son épreuve. Il   lui avait donné la paix intérieure et la sérénité. Il pourvoyait aussi à sa nourriture.

Un jour, une des filles d'AI-Hârith entra là où il était emprisonné et, ô miracle, elle le vit en train de manger des raisins. Elle ressortit aussitôt, en criant aux gens : « Par Dieu, je l'ai vu manger une grappe de raisins ! » Elle ajouta :
« Je crois que c'est un bienfait de Dieu à l'égard AI-Khabbâb ! »

Dieu  accorde ses bienfaits à qui Il veut d'entre Ses serviteurs. Le Coran nous raconte comment Marie, la vierge, qui n'était pas du nombre des prophètes, recevait de la nourriture et des fruits hors saison alors qu'elle vivait retirée dans un temple :

« [ ... ] Chaque fois que Zacharie entrait chez elle, dans l'oratoire, il trouvait de la nourriture à sa disposition. Il lui dit : "ô Marie ! D'où tiens-tu cela ?" Elle répondit :"Cela vient de Dieu. Dieu donne à qui Il veut sans compter." » [ Sourate 3 – Verset 37 ]

Après avoir désespéré de le faire revenir sur sa foi, les bourreaux, traînèrent Al-Khabbâb jusqu'à un endroit appelé At-Tan'îm où ils décidèrent de le crucifier. Serein et la face rayonnante, AI-Khabbâb   leur demanda de le laisser accomplir une dernière prière. Ils le laissèrent, croyant que ces moments de répit allaient lui permettre de se ressaisir et de revenir à de meilleurs sentiments vis-à-vis de leurs dieux. Mais, notre pieux compagnon était déjà dans l'autre monde et il se préparait à rencontrer son Seigneur . Il accomplit sa prière de deux génuflexions, le cœur en paix, souhaitant s'absorber totalement dans cet état de béatitude et ne plus y sortir.

Mais il craignit que ses bourreaux ne pensent qu'il veuille ainsi échapper à la mort. Il se tourna alors vers eux et leur dit : « Par Dieu, si vous ne me soupçonniez pas de craindre la mort, je prierai encore et encore.»

Il leva ensuite ses bras au ciel en signe d'invocation. Il les regarda enfin attentivement, et dit ces paroles célèbres qui resteront comme le symbole du courage et du sacrifice pour la foi :

« Maintenant que je suis musulman, je ne me soucie guère de mourir.
Et puisque ce sera pour la cause de Dieu, Il donnera Sa bénédiction aux membres d’un corps lacéré. »

Notre héros fut attaché à une croix faite en troncs de palmier, laquelle fut fixée à un arbre. Et son supplice commença. Ses bourreaux en firent la cible de leurs lances et l'objet de leurs sarcasmes. Mais lui n'avait aucun regard pour eux, il eut cependant une réaction lorsqu'on lui dit :

« Aimerais-tu que Muhammad soit à ta place et que tu sois,
toi, sain et sauf au sein de ta famille ? »

« Par Dieu, répondit-il, jamais je n'accepterai d'être au milieu de ma famille, jouissant des plaisirs de ce monde, alors que Muhammad souffre de la piqûre d'une épine ! »

Cette réponse sublime inspirera à Abû Sufyân ces paroles :

« Jamais je n'ai vu des hommes aimer l'un des leurs comme

les compagnons de Muhammad aimaient celui-ci. »

Et les bourreaux s’acharnèrent sur le corps de leur victime. Avant de rendre son âme pure à son Seigneur , il L'invoqua une dernière fois en ces termes :

« Ô Dieu , nous avons accompli la mission de Ton Messager , informe-le de ce qui nous arrive ! »

Le Seigneur exauça l'invocation de son fidèle serviteur.

Le Messager de Dieu qui était assis en compagnie de ses compagnons dans la mosquée de Médine, reçut par inspiration, la nouvelle du supplice d'Al-Khabbâb et de ses frères .

Aussitôt, il appela Al-Miqdâd Ibn 'Amr et Az-Zubayr Ibn AI-'Awwâm et les envoya vers le lieu du supplice où le corps d'Al-Khabbâb était encore crucifié. Les deux compagnons prirent leurs montures et se dirigèrent vers le lieu indiqué.

 

Le corps d'Al-Khabbâbétait encore sur la croix. Ils le firent descendre avec douceur et l'ensevelirent dans une tombe creusée dans le sable. Son corps retourna à la terre, certes, une terre perdue dans l'immensité du désert de l'Arabie, mais son souvenir, lui, restera impérissable.

 

  

 

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