
Quand
on citait le nom d'Abu Bakr devant Omar b. al-Khattab , celui-ci disait: "Abou Bakr est notre maître,
qui a libéré notre maître." Il visait Bilal.
Mais Bilal
ne prêtait pas beaucoup d'attention aux éloges
qu'on lui adressait. Il baissait les yeux, en
disant humblement: "Je suis plutôt un Abyssinien...
J'étais un esclave...".
Cet
ancien esclave noir, svelte mais grand, aux
cheveux crépus et aux petites épaules, qui est-il
?
C'est
Bilal ibn Rabah, le premier muezzin de l'Islam
et le contradicteur des adorateurs des idoles.
Et puis, qui ne connaît pas Bilal, alors que
son nom traverse le temps depuis le début
de l'Islam ?
Des
centaines de millions de tous les âges le connaissent.
Si on interroge un enfant musulman de n'importe
quelle partie du monde : "Petit enfant, qui
est Bilal ?" il répondra : "C'est le muezzin
de l'Envoyé".
C'est cet esclave qui est devenu
musulman et que son maître polythéiste torturait,
pour le faire dévier de l'Islam.
En
effet, Bilal
était un esclave qui s'occupait du bétail
de son seigneur, pour quelques poignées de dattes.
Si ce n'était sa foi en l'Islam, il aurait traversé
le temps en inconnu. La couleur de sa peau,
sa condition sociale ne l'ont pas empêché d'occuper
un rang très élevé parmi les musulmans.
Lui le dépossédé de tout, le fils d'une esclave,
on le croyait incapable de la toute petite chose.
Mais voilà qu'il osa et embrassa l'Islam.
Il eut une foi inébranlable, devant laquelle
se brisèrent toutes les tentatives de dissuasion.
Il
subissait la vie d'esclave. Des jours se
ressemblaient. Il n'avait aucun droit et il
n'avait aucun espoir en un possible lendemain
différent. Puis, voilà qu'on parla de Mohammad
devant lui. Les Mecquois, y compris Omaya ben
Khalaf, ne cachaient pas leur sentiment envers
Mohammad, et ils l'exprimaient clairement, tandis
que Bilal écoutait.
Ils
reconnaissaient bien l'intégrité de Mohammad ,
discutaient de la nouvelle religion mais
la rejetaient ensuite. Ils disaient que
Mohammad n'était ni menteur, ni sorcier, ni
fou. Cependant, ils avaient peur pour la religion
de leurs ancêtres et craignaient que la Mecque
perdrait son rôle religieux prépondérant en
Arabie. Dans ces conditions-là, Bilal
eut le cœur ouvert à la lumière divine
et il alla au Messager de Dieu annoncer
sa conversion à l'Islam. Mais la nouvelle
ne tarda pas à faire le tour de la cité. Son
maître Omaya vit en cela un affront qu'il
fallait effacer à tout prix, et vite.
Mais
Bilal était convaincu et résolu. Il ne céda
pas, il résista à toutes les tortures. Allah
l'avait choisi comme exemple pour peut-être
dire aux humains que la couleur de la peau et
la condition d'esclave n'entament nullement
la grandeur de l'âme croyante. La liberté de
conscience ne peut s'acheter.
Bilal
l'avait
démontré par sa résistance à tous les supplices.
On
le faisait sortir chaque jour, au soleil de
midi, pour le jeter sur
le sable brûlant et le laisser souffrir sous
le poids insupportable d'un
rocher très chaud.
Ses tortionnaires voulaient
le détourner de sa foi
tandis que lui voulait être musulmans. Comme
sa situation de supplicié
durait, on lui proposa de dire un mot de bien,
un tout petit mot
en faveur de leurs dieux, pour faire cesser
son supplice.Même
ce petit mot, Bilal
ne la prononça pas, lui
qui pouvait le dire
de façon superficielle, sans perdre sa foi,
afin d'être soulagé. Oui, il
refusa de le dire et se mit à répéter son chant
éternel : Ahadoun - Ahadoun
- II est l'unique, il est l'unique - .
Ses
tortionnaires lui disaient : "Dis ce que nous
disons" Mais lui leur
disait : "Ma langue ne sait pas bien dire cela".
Les
sévices reprenaient alors de plus belle jusqu'à
l'après-midi. A ce
moment-là, on enlevait le rocher de sa poitrine,
on lui mettait une corde
au cou et on le laissait à la merci de leurs
garçons, qui le faisaient
courir dans les rues de la Mecque et sur les
montagnes.
J'imagine
qu'à la nuit tombée, ses bourreaux lui disaient
: " Demain,
dis du bien de nos dieux; dis que tes seigneurs
sont al-Lat
et al-'Ouzza et nous laissons..." Mais Bilal rejetait sereinement ce marchandage
par la reprise de son chant. Sur ce, Omaya ben
Khalaf explosait
de colère et de haine: "Par al-Lat et al-'Ouzza!
tu vas voir. Tu
seras un exemple pour les esclaves et pour les
maîtres !". Et
le lendemain, à midi, les bourreaux conduisaient
Bilal à la place
de la veille, sans savoir qu'il était armé de
patience et de résolution.
Puis, un jour, Abu Bakr as-Seddiq
alla à cet
endroit, pour
leur dire; "Allez vous tuer un homme parce qu'il
dit que son seigneur
est Dieu ?" Par la suite, il dit à 'Oumaya
: "Je
l'achète avec un prix
dépassant sa valeur. Qu'en dis-tu ?" Oumaya
ne se fit pas attendre de prendre au vol la
bouée de sauvetage
qui venait de lui être lancée. Ayant perdu espoir
de briser a
volonté de Bilal. il accepta l'offre d'Abou
Bakr
. Il s'était rendu compte
que le prix de Bilal était plus profitable que
sa mort. Comme
Abou Bakr aidait Bilal à se relever, Oumaya
dit : "Prends-le !
si tu m'avais proposé un ouqiya. je te l'aurais
vendu". Abou
Bakr , se rendant compte que ces mots étaient
destins à humilier
Bilal, répondit: "Par Dieu
! si vous aviez exigé
cent ouqiyas, je
les aurais avancées !" Puis il se retira avec
Bilal.
Puis,
plus tard, il y eut l'exode à Médine et le Messager
décréta
l'appel à la prière. Qui allait être le premier
muezzin des musulmans ?
Qui allait lancer cet appel cinq fois par jour
?
Et bien le Messager
allait choisir Bilal qui, treize ans auparavant,
avait dit aux
polythéistes: "Dieu est l'Unique... il est l'Unique."
Puis,
il y eut la bataille de Badr entre les musulmans
et les Qoraychites
qui étaient sortis au secours de leur caravane.
Omaya ben
Khalaf y était et Bilal aussi. Mais chacun se
trouvait dans le camp
opposé.
Ce
jour-là, le chant que Bilal répétait sous la
torture devint le slogan
menant les musulmans au combat et à la victoire.
Omaya vit alors
sur le champ de bataille Abdurrahman ben Aouf
il demanda sa
protection. Abdarrahman accepta et le conduisit
vers l'endroit où on
rassemblait les captifs. Bilal le vit sur le
chemin et dit à voix haute: "Le chef de file
de la mécréance Omaya ben Khalaf !" Puis, il
s'élança,
l'épée menaçante. Abdarrahman intervint: "Bilal
!
c'est mon captif !"
Comment
Omaya était-il un captif, alors que tout à l'heure
il maniait
son sabre contre les musulmans ? Sur ce. Bilal
appela ses compagnons:
"O soutiens de Dieu ! voilà le chef de file de
la mécréance !
Omaya ben Khalaf ! " Un groupe de musulmans
accoururent
et encerclèrent le polythéiste et son fils.
Abdarrahman ben
Aouf ne put rien faire...
Puis,
les années passèrent et les musulmans entrèrent
à la Mecque
en libérateurs. Le Messager se dirigea droit
vers la Kaaba
encore encombrée d'idoles.
A partir de ce jour,
plus de Houbal,
plus de 'Ouzza plus de Lat en ce lieu sacré.
Le Messager
entra avec Bilal à l'intérieur de la Kaaba,
puis il lui demanda de montrer
sur le toit et de lancer l'appel à la prière.
Bilal
monta et lança l'appel devant les milliers de
musulmans. Ces
derniers reprenaient après lui chaque séquence
de l'adhan, tandis que
la majorité des polythéistes étaient dans leurs
maisons.
Cependant
trois notables qoraychites se trouvaient devant
la Kaaba: Abou
Soufyan ben Harb qui venait de se convertir
à l'Islam, Attab ben
Ousayd et al-Harith ben Hicham qui étaient encore
polythéistes. "Dieu
a bien fait d'épargner à mon père d'écouter
celui-là. Sinon il
aurait entendu ce qui l'exaspérait, dit Attab.
Par Dieu ! si je sais que Mohammad a raison,
je le suivrai, dit al-Harith" Quant
au rusé Abou Soufyan, il dit: "Moi je ne dis
rien. Si je dis quelque
chose, ces cailloux rapporteront cela."
Quand
le Prophète sortit de la Kaaba, il leur
dit : "J'ai su ce que
vous avez dit". Puis il leur raconta leur conversation.
Al-Harith et
Attab dirent à voix haute: "Nous attestons que
tu es vraiment le messager
de Dieu, Par Dieu ! personne ne nous a entendus
pour que nous
disions qu'il t'a informé !"
Bilal
était le compagnon de toujours du Prophète .
Il prenait part
aux expéditions et aux batailles, lançait l'appel
à la prière, accomplissait les rites de cette
religion nouvelle. Si bien que le Prophète dit de lui: "C'est un homme qui fait partie
des compagnons
du Jardin." Mais
Bilal était resté toujours modeste. Une fois,
avec un compagnon
qui voulait se marier lui aussi, il alla demander
la main de
deux femmes. Devant le père, il dit: "Je suis
Bilal et voilà mon frère.
Deux esclaves d'Abyssinie. Nous étions des égarés
mais Dieu nous
a guidés. Nous étions des esclaves mais Dieu
nous a libérés. Si vous
nous donnez la main de vos filles, alors louange
à Dieu, Si vous refusez,
alors Dieu est grand."
Après
la mort du Messager
Bilal dit au khalife
Abou Bakr :
"O
khalife du Messager, j'ai entendu le Messager
de Dieu dire: "La meilleure
action du croyant c'est de combattre sur le
chemin de Dieu" - "0 Bilal, que veux-tu
? dit Abou Bakr . Je
veux sortir pour stationner sur les frontières
et me consacrer
ainsi au combat sur le chemin de Dieu jusqu'à
la fin de mes
jours.
Et qui va s'occuper de l'adhan
? -
Je ne ferai plus d'adhan
pour personne après la disparition du Messager
de Dieu "Reste
et occupe-toi de l'adhan pour nous, 0 Bilal"
-
"Je ferai ce que
tu
veux, dans le cas où tu m'avais libéré pour
que je sois à toi. Sinon, laisse-moi
avec la cause pour laquelle tu m'avais libéré,
dans le cas où tu
m'avais libéré en vue de Dieu" dit
Bilal - "Au contraire,
je t'avais libéré en vue
de Dieu, ô Bilal.. ".
Là,
les historiens divergent. Selon certains, Bilal
partit aux frontières
de Syrie, en tant que combattant pour la cause
de l'Islam.
Selon d'autres, il resta à Médine après avoir
accepté la demande
d'Abou Bakr . Mais après la disparition de ce
dernier, il demanda
au nouveau khalif Omar ibn al-Khattab
la permission d'aller
stationner sur les frontières, pour la cause
de Dieu. Après quoi,
comme il voulait, il s'en alla en Syrie.
Sa
tombe se trouve à Damas. Qu'Allah
lui fasse miséricorde.

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