« Fîrûz est un homme béni, issu d'une famille bénie. »
[ Parole du Prophète Muhammad, rapportée par Ibn 'Assâjur d'après un récit d'AI-Harmawî.
Voir La vie des compagnons de Yusuf Al-Kandahlawî. ]

 

À la mort du Messager de Dieu plusieurs faux prophètes et imposteurs se manifestèrent.

Croyant que la prophétie était source de pouvoir et d'accumulations de richesses et d'honneur, ceux-ci se mirent à prétendre à recevoir la révélation en exploitant la crédulité de leurs compatriotes qui les suivirent plus par chauvinisme et tribalisme que par conviction et certitude.

Parmi ces imposteurs, il y avait un certain Al-Aswad Al-'Ansî, un devin et un charlatan à la taille impressionnante, à l'aspect terrifiant, passé maître dans l'art de la tromperie et de la ruse. Il apparaissait toujours masqué à ses partisans.

Ce charlatan, racontait entre autres élucubrations à ses partisans que Dieu l'avait envoyé à son clan, les Banû Madhij, et aux gens du Yémen comme il a envoyé Muhammad à Quraysh.

Son parcours sanglant commença à Sanaa où il tua son gouverneur Shahr et épousa de force sa femme Adhâd, et se termina par la mise sous coupe forcée de toute la région allant du Hadramut jusqu'à Taïf.

Le danger que constitua ce charlatan sanguinaire pour l'islam et les musulmans était bien réel...

 Il faut dire que l'islam était bien implanté au Yémen, avant que cet imposteur ne vienne semer la discorde et la haine.

L'ancien roi du Yémen, qui était aussi vassal de l'empereur perse, avait répondu favorablement à l'appel de l'islam et s'était converti lui et tous ses proches. À sa mort, son fils Shahr lui succédera avant d'être tué par Al-Aswad.

Le Messager de Dieu , alors malade, traita cette discorde avec la plus grande attention qui soit.

Il envoya des messages à tous ceux qui restèrent fidèles à l'islam au Yémen, leur demandant d'affronter cette épreuve avec foi et sérénité et de chercher les moyens de mettre fin à cette discorde.

Tous ceux qui reçurent ces messages se préparèrent en vue de mettre hors d'état de nuire la cause de la sédition : Al-Aswad Al-'Ansi. 

Cependant, ce sera à un illustre compagnon, un membre de la famille du roi musulman Badhân, du nom de Fîrûz Ad-Dilmî , que reviendra l'honneur de débarrasser les musulmans d'un ennemi aussi dangereux.

Mais laissons-le nous raconter lui-même les péripéties de son acte héroïque qui restera comme un exemple de fidélité et de bravoure pour la postérité :

« Nous n'avons jamais été ébranlé par les élucubrations de l'ennemi de Dieu, Al-Aswad. Bien plus, nous n'attendions que l'occasion de nous débarrasser de lui.
 

Dès lors, en recevant le Message du Prophète enjoignant à tous les musulmans du Yémen de mettre fin à cette sédition, nous commençâmes à réfléchir sérieusement aux moyens à mettre en oeuvre pour mettre hors d'état de nuire la cause et l'auteur de cette sédition. À la fin, nous convînmes de travailler, chacun de notre côté, pour trouver le point faible de l'imposteur et agir en conséquence.

Je pris contact, pour ma part, avec le lieutenant d'Al-Aswad, Qays Ibn 'Abd Yaghût, qui était en désaccord avec son chef qui ne cessait de le mépriser et de l'humilier. Avec mon cousin Dadawîh, nous allâmes voir Qays et lui montrèrent le message de l'Envoyé de Dieu . Celui-ci nous reçut chaleureusement et nous proposa son aide pour toute solution visant à le mettre hors d'état de nuire.

Nous convînmes alors tous les trois d'affronter le renégat à l'intérieur de chez lui tandis que les autres musulmans l'affronteraient à l'extérieur. Nous décidâmes, dans cette optique, d'associer ma cousine Adhâd que l'imposteur épousa de force. C'est moi qui pris contact avec elle.

Après lui avoir rappelé les torts et les malheurs apportés par Al-Aswad à sa famille et à son peuple, je la mis au courant de la lettre du Messager de Dieu en lui demandant son aide et sa contribution.

Elle me répondit : « A quoi dois-je donc vous aider ? »– « À le faire sortir, lui dis-je. »

Elle me coupa alors la parole et me dit : « Dis plutôt à le faire tuer. »

Je lui répondis : « Par Dieu, c'est pour cela que je suis venu, mais je n'ai pas pu te le dire ouvertement. »

Elle répliqua alors : « Par Celui qui a envoyé Muhammad avec la Vérité, aucun doute ne m'a jamais effleuré au sujet de ma religion et aucune créature ne m'est aussi haïssable que ce démon. Par Dieu, je n'ai vu en lui que débauche et perversité. Il ne connait aucun droit et ne respecte aucun interdit, c'est un véritable démon... »

Je lui dis :  « Il faut réfléchir à un plan parfait pour nous permettre d'entrer dans le palais de l'imposteur sans que ses nombreux gardes ne s'en aperçoivent, et d'aller jusqu'à sa chambre. »

Le plan me plut et je m'en allai sur le champ informer mes compagnons. Nous décidâmes d'agir le soir même en gardant le secret entre nous.

Et c'est ainsi qu'à la nuit tombée, nous suivîmes les instructions de ma cousine, la reine Adhâd et nous nous retrouvâmes devant la chambre de l'imposteur où celle-ci nous attendait.

Elle nous fit introduire dans la chambre et nous trouvâmes Al-Aswad qui ronflait avec beaucoup de bruit.

Sans perdre de temps, je pris mon poignard et lui assenai plusieurs coups. Il se mit à mugir comme un taureau et à se débattre comme un chameau qu'on égorge. Ses mugissements attirèrent quelques gardes qui accoururent et frappèrent à la porte en demandant ce qui se passait.

Mais ils furent vite rassurés par ma cousine qui leur dit : « Revenez à vos postes. C'est le Prophète de Dieu qui reçoit la révélation. » Et ils s'éloignèrent. Quant à nous, nous restâmes à l'intérieur du palais jusqu'à l'aube.

 Au lever du jour, je montai sur les remparts du château et lançai trois fois Allâhu Akbar. Ensuite, je proclamai le témoignage de foi en concluant par un « Al-Aswad AI-'Ansî est un imposteur. » Cette dernière parole était le mot de passe entre nous.

Dès qu'ils l'entendirent, les musulmans embusqués à l'extérieur du château se hâtèrent pour y entrer et tombèrent face à face avec les gardes affolés par mes appels.

S'ensuivit alors une petite bataille entre les deux groupes qui s'affrontèrent violemment.

À ce moment-là, je jetai du haut des murailles la tête d'Al-Aswad qui tomba aux pieds de ses partisans. En la voyant, ceux-ci furent saisis de frayeur et la démoralisation s'empara d'eux. Par contre, ceci stimula fortement les musulmans qui crièrent « Allâhu Akbar » et se ruèrent sur l'ennemi. Avant que le soleil ne se lève, la victoire était déjà à eux.

Nous envoyâmes alors un message à l'Envoyé de Dieu pour l'informer de la mort de l'ennemi de Dieu. Hélas, en arrivant, les émissaires que nous envoyâmes apprirent que le Messager de Dieu avait rendu l'âme la veille.»

Or, avant de mourir, l'Envoyé de Dieu avait dit aux compagnons:

– « Al-Aswad Al-'Ansî vient d'être tué par un homme béni issu d'une famille bénie. »

– « Qui est-ce, ô Messager de Dieu, lui répondirent les compagnons .»

– « Il s'agit de Firuz, répliqua-t-il et il ajouta ensuite, heureux soit Firuz, il a gagné… »
 

 

 

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