« J’ai vu Mus’ab Ibn ‘Umayr à la Mecque alors
qu’il n’avait pas son pareil dans la considération et les faveurs de ses
parents. Mais il a tout abandonné pour l’amour de Dieu et Son Messager » [ Parole du Prophète Muhammad, rapportée par At-Tabarani,
Al-Bayhaqî, Al-Hakîm et Abû Nu’aym sans sa Hilya. ]
Dans les cercles de la jeunesse dorée et raffinée de la Mecque, Mus’ab
Ibn ‘Umayr
- que
Dieu soit satisfait de lui - passait pour être la vedette et la coqueluche. Sa présence égayait
l’assistance et sa compagnie donnait un plus aux soirées mondaines.
Il est vrai
que ce jeune homme avait tous les atouts pour plaire. Issu d’une famille noble
et aisée de la Mecque, il avait les faveurs de ses parents qui le gâtaient et
cédaient à tous ces caprices. On disait à la Mecque qu’aucun jeune homme n'avait
été aussi gâté par ses parents autant que le fût Mus’ab.
Toujours élégant,
soigné, parfumé, il ne vivait que pour les soirées mondaines et les rencontres
joyeuses où il mettait en valeur son charme. L'insouciance marquait la vie de ce
jeune homme qui faisait la fierté de ses parents. Toutes les jeunes filles de la
Mecque convoitaient son coeur et aspiraient secrètement à le conquérir. On
rapporte que lorsque Mus’ab sortait dans les rues de la Mecque, toutes les
jeunes filles des familles nobles de Quraysh se mettaient à leur fenêtre dans
l’espoir d'attirer son attention. Chacune d’elle rêvait d’être l’heureuse élue.
Comme tous les habitants de la Mecque, Mus’ab avait entendu parler de
Muhammad
-
que
la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur
lui -
et du message qu’il affirmait recevoir du Ciel. Comme tous les
habitants de la Mecque, il connaissait les qualités d’honnêteté et de sincérité
par lesquelles se distinguait Muhammad parmi ses concitoyens. Mais plus que
cela, les paroles que Muhammad récitait semblaient avoir une grande influence
sur l'esprit du jeune Mus’ab qui découvrait pour la première fois combien était
vaniteuse et illusoire la vie qu’il avait toujours menée.
Une véritable
transformation s’opéra en lui. Il se mit à fréquenter la maison d’Al-Arqam où le
Messager de Dieu se réunissait avec ses premiers compagnons en s’imprégnant
avidement des paroles que celui-ci prêchait de la part de son Seigneur -
qu'Il
soit exalté -
.
Les
versets du Coran agissaient sur son âme qui découvrait sa véritable vocation.
Elle répondit alors à l’appel émanant de la Vérité éternelle et entra dans la
communion des élus.
Mus'ab
était devenu un musulman convaincu et un disciple
fervent du Prophète . Il ne le quittait plus, s'imprégnant de son comportement
moral et spirituel et apprenant de lui la sagesse et les vérités révélées.
L’Envoyé de Dieu avait, de son côté, beaucoup d’estime pour ce jeune homme à la
foi si profonde et à la passion si forte, qui avait tout abandonné pour l’amour
de Dieu et de Son Messager , supportant toutes les épreuves et acceptant tous
les sacrifices.
En effet, la conversion de Mus’ab ne tarda pas à être
connue et particulièrement de sa mère, la tendre mais néanmoins terrible Khunnas
Bint Mâlik, dont la forte personnalité imposait le respect et la crainte. Autant
cette femme aimait son fils et le gâtait, autant elle était capable de le punir
et même de le renier. C’est ce qui arriva malheureusement, en dépit des
précautions prises par Mus’ab pour garder sa foi secrète.
Un jour, alors qu’il
entrait dans la maison d’Al-Arqam, il fut repéré par ‘Uthmân Ibn Talba qui
s’empressa de rapporter la nouvelle à sa mère. Celle-ci entra dans une rage
folle et promit de lui faire payer cher son sacrilège s’il ne revenait pas à la
religion de ses ancêtres. Elle attendit son retour de pied ferme pour déverser
sur lui sa colère. L’âme sereine et le cœur débordant de foi, notre pieux
compagnon affronta sa mère et tous les dignitaires de Quraysh en leur récitant
les versets du Saint Coran qui mettaient en exergue l’unicité de Dieu et les
vérités de l’Au-delà.
La mère de Mus‘ab
utilisa en vain tous les moyens
de chantage pour le faire revenir sur sa décision. Mais Mus‘ab restait
inébranlable. En désespoir de cause, elle l’enferma dans une pièce de la maison
et le laissa sans boire et sans manger dans l’espoir qu’il revienne à de
meilleurs sentiments vis-à-vis de ses divinités. Mus’ab demeura ainsi jusqu’à
l’arrivée du temps de l’émigration en Abyssinie.
Il trompa alors la vigilance de
sa mère et de ceux qui le gardaient et rejoignit ses frères dans la foi, en
partance pour l’Abyssinie. Il demeura dans cette lointaine contrée, s'adonnant à
l’adoration de Dieu jusqu’à ce que le Messager de Dieu le rappela avec ses
compagnons. À son retour à la Mecque, il était métamorphosé. Ceux qui le
voyaient ne le reconnaissaient plus.
Le jeune homme, élégant et raffiné qu’il
était, avait laissé la place à un ascète, vêtu à longueur de journée d’une
soutane en haillons, ne se souciant nullement de ce bas monde et de ses
plaisirs. Un jour, alors qu’il passait devant le Messager de Dieu et
quelques-uns de ses compagnons , ceux-ci le virent et baissèrent les yeux. Des
larmes coulèrent de leurs yeux. L’Envoyé de Dieu le regarda avec douceur et
compassion, puis dit :
«
J'ai vu Mus'ab Ibn ‘Umayr à la Mecque alors qu’il
n’avait pas son pareil dans la considération, abandonné de tous pour son amour
pour Dieu et Son Messager »
Sa mère, qui avait espéré un renoncement à
sa nouvelle foi, avait fini par désespérer en le voyant déterminé dans sa foi et
sa ferveur. Elle le chassa alors, le déshérita et le renia, pensant ainsi que
cette terrible punition allait le faire fléchir. Mais c’était peine perdue car
notre pieux compagnon venait de découvrir sa raison de vivre. Certes, il
continuait à aimer sa mère et, de ce fait, fit tout son possible pour qu’elle
aussi soit illuminée par la Lumière de l'islam et ne soit pas du nombre des
égarés. Mais hélas, en dépit de ses supplications répétées, celle-ci demeura
aveugle devant la Lumière qui s’étalait sous ses yeux. Ils se quittèrent alors
et chacun suivit son destin.
Mus’ab venait de quitter l’aisance et le
luxe dans lesquels il vivait. La faim et les privations devenaient le lot
quotidien dans sa vie. Mais il avait choisi de son plein gré ce mode de vie et
trouvé tout son bonheur. Il avait compensé les privations du corps par l’amour
de l’âme pour la beauté divine. Sa foi profonde, sa piété sincère et sa sagesse
faisaient de lui un des compagnons les plus proches et les plus estimés du
Prophète .
Ce dernier l’aimait beaucoup et admirait sa grande ferveur et son
engagement total pour sa foi. Bien qu’il était très jeune par rapport à d'autres
compagnons plus âgés et plus éprouvés que lui, c’est à lui que l’Envoyé de Dieu
confia la mission, ô combien noble, d’être le premier ambassadeur et le
précurseur de l’islam à Yathrib.
En effet, après la première rencontre
d’Al-’Aqaba entre le Messager de Dieu et les douze délégués de Yathrib, il fut
décidé l’envoi d’un émissaire chargé de prêcher et d’enseigner les préceptes de
l’islam aux gens de Yathrib. Notre compagnon fut choisi par le Messager de Dieu
pour mener à bien cette mission capitale pour l’islam. Quelques mois seulement
après son arrivée à Médine, l’islam avait déjà pénétré la majeure partie des
foyers, à tel point qu’à la deuxième rencontre d’Al-’Aqaba, un an après, ils
étaient 70 doyens des Ansârs à venir faire serment d’allégeance au
Messager de Dieu .
C’est dans la demeure du compagnon Assad Ibn Zurâra
que Mus’ab s’installa. Avec cet autre illustre chef chez les Ansârs, il
parcourait les rues de Médine, rendait visite aux gens, en prêchant la parole de
Dieu et en les appelant au Salut. Ses connaissances du Livre de Dieu et des
sentences de Son envoyé, ajoutées à sa sagesse et à ses dons d'orateur, firent
grande impression sur les habitants de Médine et les subjuguèrent jusqu’aux plus
hostiles d’entre eux. C’est ainsi que l’un de ceux-ci, du nom de Usayd Ibn
Hudayr, un des maîtres de la tribu des Banû ‘Abd Al-Ashbal, décida de chasser
cet intrus venu de la Mecque avec une nouvelle religion pour détourner les gens
de Yathrib de leurs croyances ancestrales. Armé de sa lance, le terrible Usayd
partit à la recherche de Mus’ab
avec la ferme résolution de lui intimer l’ordre
de quitter Yathrib et de ne plus y remettre les pieds.
Lorsque les
musulmans qui entouraient Mus‘ab virent arriver Usayd, l’air farouche et
hostile, ils montrèrent quelques craintes ; notre compagnon les rassura, gardant
un air calme et serein, le calme et la sérénité que procurent la foi et la
confiance en Dieu. Usayd s’adressa à Mus’ab en des termes qui dénotent une
grande hostilité. Il lui dit :
« Pourquoi es-tu venu chez nous, trompant et
corrompant les plus faibles d’entre nous ? Va-t-en de notre ville, si tu ne veux
pas qu’il t’arrive malheur. » Et il brandit sa lance en signe de menace. Mais la
sérénité de l’ambassadeur du Prophète ne fut nullement affectée par les menaces
du terrible Usayd. Il lui répondit imperturbable et le visage souriant : « Ô
frère des arabes ! Assieds-toi d’abord et écoute ce que j’ai à te dire. Si mes
paroles te plaisent, tu les acceptes, sinon nous cesserons une fois pour toutes
de t’importuner. »
Paroles sages et sensées qui suscitèrent l’accord de
Usayd. Il dit à Mus’ab :
« Tu dis vrai. » Il posa sa lance par terre et prit
place parmi l’assistance.
Avant que Mus’ab n’eut terminé son prêche, Usayd était
déjà musulman. Les paroles douces et véridiques qui sortaient du coeur de Mus‘ab
le subjuguèrent et le marquèrent jusqu’aux tréfonds de l’âme. Il s'exclama «
Quelles sont belles et véridiques ces paroles ! Que faut-il faire pour adhérer
à cette religion ? » On lui répondit :
« Purifie ton corps et tes habits et
témoigne qu’il n’y a d’autre divinité que Dieu et que Muhammad est l'Envoyé de
Dieu. »

Usayd fit avec une extraordinaire ferveur ce qu’on lui demanda
de faire et il revint, mais cette fois-ci le visage souriant et bienveillant,
proclamer sa conversion à l’islam. La nouvelle de son adhésion à la foi prêchée
par Mus’ab se propagea, telle une traînée de poudre, dans toute la ville. Son
exemple inspira d’autres illustres dignitaires de Médine.
Tour à tour, ce furent
Sa’d Ibn Mu’âdh puis Sa’d Ibn Ubâda
qui vinrent proclamer leur conversion,
suivis par de nombreux autres habitants de Yathrib. Quelques mois après, la
lumière de l’islam illuminait toute la ville de Yathrib, devenue depuis Médine
l’Illuminée.
Et les jours passèrent... L’islam triomphait
partout et gagnait les coeurs et les âmes grâce à des hommes de la trempe de
Mus’ab Ibn ‘Umayr . Après Badr et la victoire éclatante des musulmans contre les
païens qurayshites, la bataille de Uhud donna lieu à une autre confrontation
entre le bien et le mal, entre la vérité et l’aveuglement.
Ce jour-là, de
nombreux compagnons
tombèrent martyrs sous les coups des païens. Parmi ces
bienheureux, notre saint homme Mus’ab
donna un bel exemple de sacrifice pour la
foi. Avant le début de la bataille, le Messager de Dieu lui confia l’étendard,
en reconnaissance de sa bravoure et de son engagement. Mus’ab, conscient de
cette responsabilité, se surpassa ce jour-là en luttant comme un lion, tenant
d’une main l’étendard confié par le Messager de Dieu, et de l’autre, son épée
qui donnait du fil à retordre.
En effet, lorsque la panique s’empara des
musulmans et que certains d’entre eux s’enfuirent, notre compagnon fut de ceux
qui restèrent fermes autour du Messager de Dieu , faisant de leur corps un
bouclier pour le protéger. Il dut alors subir les assauts acharnés des infidèles
qui voulaient arriver jusqu’au Messager de Dieu pour le tuer. Mus'ab
reçut un
premier coup qui lui trancha la main qui tenait l’étendard. II retint sa douleur
et se mit à proclamer à la face de ses ennemis :
« Muhammad n’est qu’un
Messager. D’autres messagers sont venus avant lui... »
Il
prit l’étendard de
l’autre main, mais un autre coup la lui trancha elle aussi. Il tint alors
l’emblème avec les moignons de ses bras et le serra contre sa poitrine en
répétant les mêmes propos. Un coup de lance l’atteignit et il tomba par terre
avec l’étendard. Une fois la bataille terminée, le Messager de Dieu et ses
compagnons
se mirent à sillonner le champ de bataille à la recherche de leurs
martyrs. C’est alors qu’ils virent le corps de Mus’ab étendu sur le sable, les
mains tranchées, serrant contre lui l’étendard de l’islam que lui avait confié
l'Envoyé de Dieu et qu’il refusait de lâcher même dans la mort. Ils pleurèrent
tellement à la vue de ce spectacle émouvant que leurs larmes mouillèrent le
corps du martyr.
‘Abd Ar-Rahmân Ibn ‘Awf dira :
« Lorsque nous
cherchâmes à ensevelir Mus’ab, nous ne trouvâmes pour lui servir de linceul
qu’une courte cape, tellement courte que lorsque nous lui couvrions la tête, ses
pieds apparaissaient et vice versa. » A la fin, le Messager de Dieu leur dira :
« Couvrez-lui la tête et mettez sur ses pieds des plantes de l’idhkhir. »
Ensuite, les yeux pleins de larmes, il regarda avec tendresse son compagnon
martyr et lui dit en guise d'adieu : « Je t’ai vu à la Mecque portant les plus
beaux habits, la chevelure bien entretenue, et te voilà maintenant enseveli dans
une grossière cape, la tête ébouriffée. » Il ajouta : « Il y a parmi les
croyants des hommes qui ont été fidèles au serment fait à Dieu » À la fin,
il s’adressa à ses compagnons rassemblés autour de lui et leur dit : « Ô gens !
Rendez-leur visite dans leur tombe et saluez-les. Par celui qui tient mon âme en
Sa main, il n’y a pas de musulman qui les salue, jusqu'au jour de la
Résurrection, sans qu’ils ne lui rendent son salut. »
Depuis ce jour, le
corps béni de notre compagnon repose dans la terre de Ubud, là où il s’est si
bien distingué par son courage, son héroïsme et son sacrifice pour la cause de
l’islam.

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