« Ô Mon Dieu, si Tu m'as privé de ce bien,n'en prive pas mon fils Sa'îd »


[ Parole de Zayd, le père de Sa'îd.]

 

Les qurayshites s'apprêtaient à célébrer une de leurs fêtes en immolant des animaux pour leurs divinités. Habillés de leurs plus beaux vêtements, leurs femmes parées de précieux bijoux, ils se dirigeaient vers le parvis de la Ka'ba où devait avoir lieu le sacrifice de chamelles et autres brebis offertes aux idoles. La joie et l'allégresse se lisaient sur tous les visages, à l'exception de Zayd Ibn Amr un notable de Quraysh qui semblait désapprouver les pratiques de ses concitoyens.

Adossé au mur de la Ka'ba, Zayd  s'adressa à eux en ces termes :

« Ô gens de Quraysh ! Les bêtes que vous allez sacrifier, c'est Dieu qui les a créées. C'est Lui aussi qui leur a créé l'herbe qu'elles broutent. Et voilà que vous allez les sacrifier sans prononcer sur elles le Nom de Dieu. Je vois que vous êtes un peuple ignorant. »
 

Son oncle AI-Khattâb, le père de 'Umar , le prit alors à partie en lui disant :

« Malheur à toi ! Quand vas-tu cesser de nous importuner avec tes sottises ! »
 

Il excita ensuite les énergumènes de la Mecque contre lui et ceux-ci se mirent à le molester jusqu'à ce qu'il se réfugiât sur la montagne d'al-Hirâ dans les environs de la Mecque. En vérité, Zayd Ibn 'Amr n'était pas le seul à contester les croyances de Quraysh. Il y avait aussi d'autres habitants de la Mecque qui partageaient ses vues. Il y avait, entre autres, Waraqa Ibn Nawfal, 'Abdallah Ibn Jahsh, 'Uthmân Ibn AI-Hârith, Umayma Bint 'Abd Al-Muttalib, la tante paternelle de Muhammad , etc.

 Ces premiers " hanîf " — les partisans de la religion d'Ibrâhîm — se réunissaient souvent pour déplorer le paganisme de leur peuple et chercher une voie de salut pour leur âme. Chacun d'eux suivit sa vocation. C'est ainsi que Waraqa se fit chrétien.

'Abdallah Ibn Jahsh et 'Uthmân Ibn AI-Hârith, eux, cherchèrent leur voie dans le christianisme et le judaïsme, mais ne furent point convaincus par ces deux religions. Quant à Zayd Ibn 'Amr, il eut un autre cheminement qu'il nous raconte lui-même :

 « J'ai cherché, dit-il, ma voie dans le judaïsme et le christianisme sans pouvoir satisfaire ma quête. Je partis alors en Syrie, où, m'a-t-on dit, se trouvait un moine qui avait la science des anciens textes sacrés. Je le cherchai partout jusqu'à ce que je l'eusse trouvé. Je lui exposai alors l'objet de ma visite. Il me répondit :

"Je vois que tu cherches la religion d'Ibrâhîm , ô frère de la Mecque ?"

– "Oui." Répondis-je.

Il ajouta :

" Tu cherches une religion qui n'existe plus aujourd'hui. Mais je te conseille de retourner dans ton pays car c'est de là-bas que sortira celui qui revivifiera la religion d' Ibrâhîm ." »

 

invocations-doua.jpgZayd s'empressa de retourner à la Mecque, désireux d'être au rendez-vous de l'avènement d'un tel homme. Or, en cours de route, il fut attaqué par des pillards du désert qui le détroussèrent et le tuèrent. Mais avant de rendre l'âme, il eut la présence d'esprit d'invoquer Dieu en ces termes : « Ô Mon Dieu, si tu m'as privé de ce bien, n'en prive pas mon fils Sa'îd. »

Et la volonté de Dieu fut faite...

Dès que le Prophète commença à prêcher l'islam, Sa'îd Ibn Zayd fut l'un des premiers à y croire et à le suivre. Cet homme illustre, né et éduqué dans une famille qui abhorrait l'idolâtrie ne pouvait que répondre à l'appel de la Vérité. Il embrassa donc l'islam, suivi de sa femme Fâtima , la sœur de `Umar Ibn Al-Khattâb . Cette noble famille fut la cause de la conversion de 'Umar , comme nous l'avons vu dans le chapitre qui lui est réservé.

 Sa'îd Ibn Zayd n'avait alors que vingt ans. Il mettra sa jeunesse, sa fougue et sa bravoure au service de sa foi. Celle-ci était forte, profonde et passionnée. Elle lui a valu d'être considéré parmi les dix compagnons auxquels le Messager de Dieu avait promis le Paradis. Notre compagnon fut de toutes les batailles livrées par le Prophète à l'exception de celle de Badr où il était en mission sur ordre de l'Envoyé de Dieu .

Après la mort du Messager de Dieu , l'épopée de notre compagnon continua sous le califat d'Abû Bakr et de 'Umar . Il était, en effet. l'un des compagnons les plus consultés par les califes du Prophète en raison de sa sagesse et de son intelligence. Il constituait, en ces temps troubles qui succédaient à la mort de 'Uthmân, un élément de compromis et de rassemblement. Il refusait d'être la cause de divergences entre les compagnons du Messager de Dieu .

Un jour, sous le califat de Mu'âwiya , il entendit un homme insulter la mémoire de 'Ali . Il entra dans une grande colère et alla se plaindre auprès d'Al-Mughîra, le gouverneur de Kûfa.

Parmi toutes les batailles que mena notre compagnon, après la mort du Messager de Dieu , la plus glorieuse fut celle d'Al-Yarmûk où il se distingua fort brillamment. Laissons-le nous raconter lui-même les péripéties de cette fameuse bataille :

 « Le jour d'Al-Yarmûk, nous étions quelque vingt-quatre mille hommes en face de cent-vingt mille soldats byzantins. En les voyant arriver en rangs serrés, précédés par les évêques et les prêtres portant de grandes croix et chantant des prières que reprenaient les soldats, les musulmans furent saisis de crainte devant le nombre impressionnant de soldats et leur puissance matérielle. C'est alors qu'Abû 'Ubayda Ibn AI-Jarrâh qui commandait l'armée musulmane se mit à haranguer ses soldats en ces termes :

"Ô serviteurs de Dieu ! Faites triompher la cause de Dieu , Il vous fera triompher et affermira vos pas. Serviteurs de Dieu ! Armez-vous de patience, brandissez vos lances, protégez-vous de vos boucliers et
gardez le silence en invoquant Dieu dans vos coeurs. Restez dans cette position jusqu'à
ce que je vous donne mes ordres avec l'aide de Dieu."
 

À ce moment-là, un homme sortit des rangs des musulmans et dit à Abû 'Ubayda :

"J'ai décidé de partir aujourd'hui-même pour l'Au-delà. As-tu un message
à transmettre au Messager de Dieu ?
"
 

Abû 'Ubayda lui répondit :

"Oui ! Tu lui transmets mon salut et celui des musulmans et tu lui dis :
"Ô Messager de Dieu, nous avons trouvé ce que Dieu nous avait promis ! "

En entendant les paroles de cet homme et en le voyant brandir son épée et s'élancer vers l'ennemi, je me mis à genoux, pris mon arc et visai le premier cavalier qui arrivait à bride abattue vers nous. Touché de plein fouet, celui-ci tomba. Je m'élançai alors sur l'ennemi, Dieu ayant extrait toute crainte de mon cœur, suivi de tous les musulmans. Ceux-ci combattirent avec tellement d'ardeur et de foi que Dieu leur donna la victoire. »

 Après la conquête de Damas, à laquelle assista notre compagnon , celui-ci fut nommé gouverneur de la ville par Abû 'Ubayda . Sa'îd Ibn Zayd fut ainsi le premier gouverneur musulman de Damas.

Cet homme exceptionnel par ses qualités morales et spirituelles ne fut pas, cependant, à l' abri de la diffamation et des fausses accusations.

En effet, sous le règne des Umayyades, une femme accusa notre compagnon d'avoir accaparé une partie de ses terres limitrophes aux siennes. Elle propagea cette accusation dans toute la ville de Médine avant de s'en plaindre au gouverneur Marwân Ibn AI-Hakam. Celui-ci, connaissant la valeur de notre pieux compagnon , lui envoya des notables pour connaître sa version. Sa`îd Ibn Zayd fut très peiné d' apprendre qu'on l' accusait d'atteindre les droits d'autrui, qui plus est ceux d'une voisine. Il s'écria offusqué :

« Comment pourrais-je lui prendre une partie de ses terres alors que j'ai entendu le Messager de Dieu dire :
"Celui qui prend injustement un bout de terre, Dieu le chassera de sept terres le jour de la Résurrection ?"
 -
Ô mon Dieu, si elle m'accuse injustement, prends-lui la vue et jette-la dans le puits qu'elle
me dispute en montrant aux musulmans mon innocence. »
 

Quelques jours seulement après cette invocation, des pluies torrentielles s' abattirent sur Médine et firent apparaître les limites exactes des terres de chacune des deux parties en litige. Il s'avéra alors que Sa'îd était dans son droit et que 'Arwa Bint Uways l'avait accusé injustement. Un mois après, celle-ci perdit la vue et tomba un jour dans son puits où elle trouva la mort. 

'Abdallah Ibn `Umar dira : « Alors que nous étions petits, nous entendions de certaines personnes cette expression : "Que Dieu te prenne la vue comme Il a pris celle de 'Arwa !" »

 

Quant à notre compagnon, Sa`îd Ibn Zayd , il continua sa vie à Médine, entouré du respect et de la considération des musulmans, jusqu'à ce que sonne pour lui l'heure de rejoindre le Messager de Dieu et les compagnons qui l'ont précédé dans la proximité du Seigneur .

 

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